Frida Kahlo et son Doppelgänger
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Imaginez un double de vous, qui vous ressemble en tous points, sans être votre sosie, et qui existe pour vous faire du mal. C’est ce sosie maudit que Frida Kahlo a peint son tableau...


Un "doppelgänger" est un mot issu de l’allemand signifiant "sosie" ou "double d'une personne vivante". Il s’agit d’une copie ou du double d'un individu, ou alors sa version maléfique. On le rencontre dans de nombreux folklores et croyances, notamment dans les mythologies germanique et nordique. Dans le folklore, un "doppelgänger" n'a pas d’ombre et son image n'est pas reflétée par un miroir ou l'eau. Il donne des conseils à la personne qu'il imite, mais ceux-ci peuvent être faux, voire malintentionnés.

Ce thème est largement repris dans la littérature, surtout la littérature fantastique. Le double fascine et effraie tout à la fois. Il fascine, parce qu'il déplace les frontières du réel, et effraie parce qu'il menace celui qui craint d’être dépossédé de lui-même.

Dans sa nouvelle "William Wilson" (1839, Edgar Allan Poe explore le thème du double, qui hante ici le narrateur et le conduit à la folie. Ce dernier s'appelle William Wilson. Dans son école, arrive un nouvel élève portant le même nom que lui, et qui se met à rivaliser avec lui ainsi que copier son comportement et ses attitudes. Le narrateur devient un voleur et un truand. Mais à chaque tentative de duperie, un homme au visage couvert, habillé exactement comme lui, intervient...

Ou bien dans le "Horla" (1886) de Guy de Maupassant, longue nouvelle fantastique et psychologique. L'auteur y décrit la déchéance progressive du narrateur poursuivi par une créature invisible dont il ne sait si elle est réelle ou le résultat de son imagination. Il cherche à s'en débarrasser par tous les moyens possibles...

On le retrouve dans "Le Portrait de Dorian Gray" (1891) de Oscar Wilde. Ce dernier pousse à l’extrême cette externalisation du "soi". Toute transformation ne relève-t-elle pas d’un pacte avec le diable ? Celui-là même qui sort l’âme du corps pour la vider de sa conscience et l’abandonner à son funeste sort ?


Frida Kahlo découvre que son mari, le peintre Diego Rivera, a une liaison avec sa propre sœur, Cristina. Frida vit cette relation comme une véritable trahison, elle qui, à cause de son effroyable accident, ne peut enfanter.

Peu de temps après son divorce, en 1939, faisant une dépression profonde, elle peint "Les Deux Fridas", représentant deux personnalités différentes au même visage. Elle y montre son désespoir avec deux Fridas, faisant référence aux états d'âme et la dualité qui se bousculent en elle. Afin d’exprimer sa douleur, procédé habituel dans ses toiles, Frida Kahlo expose les cœurs des deux femmes. Le ciel est orageux et rempli de nuages...

La "Frida" de droite représente celle qu'aimait Diego Rivera, une "Frida" dans un costume mexicain, dans des tons joyeux, sa main tenant un portrait de Diego Rivera. Son cœur est entier.
La "Frida" de gauche, son double tout en désespoir, est vêtue d'une robe blanche en dentelle, victorienne et rigide, triste, et représente la Frida que Diego n'aime plus. Elle tient des ciseaux à la main, qui ont servi à couper les cheveux de la "Frida" de droite. Son cœur est brisé.

Selon Fernando Gamboa, qui est un ami très proche de Frida Kahlo, elle s’est inspirée des tableaux “Les deux sœurs” de Théodore Chassériau et “Gabrielle d’Estrées et une de ses sœurs” d’un artiste inconnu.

Tout au long de sa vie, la "Frida" de gauche ne ménagera jamais la "Frida" de droite : morphine, alcool, avortements, tentative de suicide. La "Frida" de gauche ne serait-elle pas le "doppelgänger" de la "Frida" de droite ? 


Jusqu'au 5 mars 2023, au Palais Galliera, n'hésitez pas à aller voir "Frida Kahlo, au-delà des apparences". Loin des clichés qui entourent sa personnalité, l’exposition propose aux visiteurs d’entrer dans l’intimité de l’artiste, l’une des artistes les plus reconnues et influentes du 20e siècle, et de comprendre comment elle s’est construite une identité à travers la manière de se présenter et de se représenter.


Pour aller plus loin :

Dans Rien n'est noir, l'auteur Claire Berest nous dresse le portrait de Frida, avec son corps fracassé par un accident de bus et ses manières excessives d’inviter la muerte et la vida. Elle jure, boit des trempées de tequila, participe à des manifestations politiques. Et elle peint. Par-dessus tout, elle aime Diego.

Rosa Maria Unda Souki nous raconte une partie de sa vie dans Ce que Frida m'a donné. Eté 2019, elle devrait être plongée dans les préparatifs de son exposition mais elle retrace ce qui l'a menée là. Comment elle a passé cinq ans à peindre la célèbre Maison bleue de Frida Kahlo. En quête d'elle-même, elle renoue avec une Frida intime.

Gérard de Cortanze, nous livre une reconstitution sensible, Frida Kahlo, le petit cerf blessé, sous la forme de sept textes, de la vie de Frida Kahlo. Sept chapitres, où l'on croise Diego Rivera bien sûr, mais aussi la photographe-portraitiste Gisèle Freund mais encore Léon Trotski.


Toujours en chanson avec Maurane et Lara Fabian, "tu es mon autre", tu es mon double...


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