Le
18 November 2022,
Il y a 45 ans, en 1977, l'artiste ORLAN s'incruste à la FIAC (la Foire d'Art Contemporain) de Paris, où elle n'a pas été invitée, pour une performance hors du commun, avant-gardiste et provocatrice. Elle propose, pour la somme de 5 francs, un french kiss à tous les volontaires, hommes ou femmes, qui veulent tenter l'aventure.
Dans le contexte féministe de l'époque, il s'agit bien sûr d'une façon d'interroger la façon dont les femmes sont perçues, leur sexualisation systématique. Mais aussi d'un pied-de-nez à la société de consommation et à la spéculation associée au marché de l'art. ORLAN est autodidacte, elle ne vient pas du "sérail" : son art est avant tout une voie d'émancipation, d'affirmation de soi, et se veut accessible à tous.
La performance est mise en scène sous forme d'installation, presque théâtrale : sur une sorte d'estrade, ORLAN a disposé une photo (en noir et blanc) d'elle en Madone à l'enfant grandeur nature, détourée ; des cierges sont disposés devant. A côté, elle se tient en chair et en os sur une chaise, portant sur son buste une autre photo-sculpture, celle de son corps nu qui se superpose à son corps habillé. Le programme est clair : entre la maman et la putain, que préférez-vous?
L'artiste décide ce qu'elle veut montrer, et comment elle le montre. Elle s'offre aux curieux tout en décidant de tous les paramètres de la mise en scène. Et ils deviennent les acteurs indispensables de sa performance, entièrement sous son contrôle. Il faut d'abord insérer une pièce dans le tube transparent aménagé dans la photo du buste, pièce qui atterrit symboliquement (et reste visible) à l'endroit du pubis. L'art est-il une forme de prostitution?
Une fois l'obole reçue, vous êtes piégé, c'est l'heure du baiser, mais pas avant que la musique démarre, une musique classique aux accents officiels, qui ne dure que quelques secondes, puis retentit une sorte de sirène : c'est fini! Deux questions me viennent à l'esprit : quelles réactions provoquerait une telle performance aujourd'hui ? Et quel souvenir de ce moment gardent les personnes qui ont participé à cette performance ?
Interrogée par des journalistes de télévision, ORLAN déclara à l'époque : " il faut voir ma démarche non pas comme un gadget, mais toute une réflexion sur la position de l'art et de l'artiste et du corps de la femme dans la société ; pour moi le corps de la femme est un matériau nouveau."
Avec cette performance haute en couleurs, qui fit scandale et lui valut d'être licenciée de l'école d'art où elle enseignait, ORLAN annonçait tout son programme à venir, fait de transformations physiques spectaculaires, d'opérations de chirurgie esthétique filmées et retransmises en direct, et surtout d'absolue liberté de ton et de moyens d'expression. Enfin, il y a dans cette performance une dimension dont on parle peu et qui me semble pourtant fondamentale : c'est drôle! Et dans le monde très sérieux de l'art contemporain, cela reste très subversif.
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
szannad@messortiesculture.com
Dans le contexte féministe de l'époque, il s'agit bien sûr d'une façon d'interroger la façon dont les femmes sont perçues, leur sexualisation systématique. Mais aussi d'un pied-de-nez à la société de consommation et à la spéculation associée au marché de l'art. ORLAN est autodidacte, elle ne vient pas du "sérail" : son art est avant tout une voie d'émancipation, d'affirmation de soi, et se veut accessible à tous.
La performance est mise en scène sous forme d'installation, presque théâtrale : sur une sorte d'estrade, ORLAN a disposé une photo (en noir et blanc) d'elle en Madone à l'enfant grandeur nature, détourée ; des cierges sont disposés devant. A côté, elle se tient en chair et en os sur une chaise, portant sur son buste une autre photo-sculpture, celle de son corps nu qui se superpose à son corps habillé. Le programme est clair : entre la maman et la putain, que préférez-vous?
L'artiste décide ce qu'elle veut montrer, et comment elle le montre. Elle s'offre aux curieux tout en décidant de tous les paramètres de la mise en scène. Et ils deviennent les acteurs indispensables de sa performance, entièrement sous son contrôle. Il faut d'abord insérer une pièce dans le tube transparent aménagé dans la photo du buste, pièce qui atterrit symboliquement (et reste visible) à l'endroit du pubis. L'art est-il une forme de prostitution?
Une fois l'obole reçue, vous êtes piégé, c'est l'heure du baiser, mais pas avant que la musique démarre, une musique classique aux accents officiels, qui ne dure que quelques secondes, puis retentit une sorte de sirène : c'est fini! Deux questions me viennent à l'esprit : quelles réactions provoquerait une telle performance aujourd'hui ? Et quel souvenir de ce moment gardent les personnes qui ont participé à cette performance ?
Interrogée par des journalistes de télévision, ORLAN déclara à l'époque : " il faut voir ma démarche non pas comme un gadget, mais toute une réflexion sur la position de l'art et de l'artiste et du corps de la femme dans la société ; pour moi le corps de la femme est un matériau nouveau."
Avec cette performance haute en couleurs, qui fit scandale et lui valut d'être licenciée de l'école d'art où elle enseignait, ORLAN annonçait tout son programme à venir, fait de transformations physiques spectaculaires, d'opérations de chirurgie esthétique filmées et retransmises en direct, et surtout d'absolue liberté de ton et de moyens d'expression. Enfin, il y a dans cette performance une dimension dont on parle peu et qui me semble pourtant fondamentale : c'est drôle! Et dans le monde très sérieux de l'art contemporain, cela reste très subversif.
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
szannad@messortiesculture.com