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Tate Britain : Une Villa. Clair de lune (Une villa un soir de bal) (1826-1827) - Venise : vue sur la lagune au coucher du soleil (1840) - L'artiste est ses admiratrices (1827)
Le
10 April 2020,
Quelques jours avant l'annonce du confinement, j'ai eu le privilège de découvrir l'exposition dédiée au peintre anglais J.M.W. Turner (1775 Londres - 1851 Londres), juste avant son ouverture au public…ouverture malheureusement ajournée en raison de la crise actuelle. Par bonheur, les oeuvres d'art sont largement accessibles en ligne. On peut aujourd'hui se cultiver, s'évader et agrandir sa collection d'"Images" aimées depuis chez soi. Je vous invite donc aujourd'hui à partir sur les pas de Turner, voyageur infatigable, chasseur d'atmosphères et de paysages, maître de la couleur, visionnaire annonçant le symbolisme et l'abstraction (bien plus que l'impressionnisme, auquel on l'associe souvent par facilité), à travers trois oeuvres choisies dans le catalogue d'exposition.
Une Villa. Clair de lune (Une villa un soir de bal) (1826-1827)
Ce dessin au graphite (crayon à mine) complété à l'aquarelle est un tout petit format, destiné à illustrer un volume sur l'Italie. Cette vignette pleine de délicatesse évoque une scène de théâtre - ou un plan de cinéma, même si c'est anachronique! - le spectateur est situé assez loin de l'événement mais invité à l'observer, avant de, peut-être, se mêler à la foule des invités. On peut presque entendre le son des calèches qui approchent de la villa, entendre un orchestre au loin. On imagine sans peine les rires et les danses, le scintillement des lustres, la balade au clair de lune, les amours émergentes, l'air frais du soir et les cyprès qui ondulent, au loin. Voilà, vous êtes loin.
Venise : vue sur la lagune au coucher du soleil (1840)
Ecoutons le critique Huysmans : « Turner.. vous stupéfie, au premier abord. On se trouve en face d’un brouillis absolu de rose et de terre de Sienne brûlée, de bleu et de blanc, frottés avec un chiffon, tantôt en tournant en rond, tantôt en filant. En droite ligne ou en bifurquant en de longs zigzag.. Devant les yeux dissuadés, surgit un merveilleux paysage, un site féérique, un fleuve irradié, coulant. » Cette peinture libre parvient mieux qu'aucune autre à représenter les couleurs changeantes d'un coucher de soleil sur la lagune, les couleurs insensées que prennent les nuages pour quelques instants. La mer et le ciel semblent ici se confondre, dans un continuum magique et pourtant réaliste. On peut y voir une préfiguration de la peinture abstraite, en particulier celle de Mark Rothko au XXe siècle, qui sut lui aussi manier la lumière et les couleurs pour créer des toiles qui exercent sur l'oeil un attrait hypnotique. Voilà, vous vous confondez avec la couleur pure.
L'artiste et ses admiratrices (1827)
Cette œuvre à la touche enlevée traduisent la grande liberté de l’artiste qui se plaît à expérimenter, tant dans le choix des motifs que dans celui des matériaux qu’il emploie.
J'aime particulièrement cette saynète : il s'en dégage un sentiment de calme, d'amitié, de confiance et de confort qui donne envie de s'y installer un moment. Grâce à cette grande fenêtre, l'atelier est baigné de lumière. J'ai envie de penser qu'on est en fin de matinée ; dehors, le printemps s'éveille dans le parc, immense, qui entoure la demeure.
Turner venait régulièrement se détendre sur les terres de son protecteur Lord Egremont à Petworth dans le Sussex (manoir qui existe toujours), où il peignait des aquarelles intimistes du manoir et de ses habitants. Ici, il se représente lui-même - non sans auto-dérision - avec sa "cour d'admiratrices qui posent pour lui. Voilà, vous êtes en bonne compagnie.
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Une Villa. Clair de lune (Une villa un soir de bal) (1826-1827)
Ce dessin au graphite (crayon à mine) complété à l'aquarelle est un tout petit format, destiné à illustrer un volume sur l'Italie. Cette vignette pleine de délicatesse évoque une scène de théâtre - ou un plan de cinéma, même si c'est anachronique! - le spectateur est situé assez loin de l'événement mais invité à l'observer, avant de, peut-être, se mêler à la foule des invités. On peut presque entendre le son des calèches qui approchent de la villa, entendre un orchestre au loin. On imagine sans peine les rires et les danses, le scintillement des lustres, la balade au clair de lune, les amours émergentes, l'air frais du soir et les cyprès qui ondulent, au loin. Voilà, vous êtes loin.
Venise : vue sur la lagune au coucher du soleil (1840)
Ecoutons le critique Huysmans : « Turner.. vous stupéfie, au premier abord. On se trouve en face d’un brouillis absolu de rose et de terre de Sienne brûlée, de bleu et de blanc, frottés avec un chiffon, tantôt en tournant en rond, tantôt en filant. En droite ligne ou en bifurquant en de longs zigzag.. Devant les yeux dissuadés, surgit un merveilleux paysage, un site féérique, un fleuve irradié, coulant. » Cette peinture libre parvient mieux qu'aucune autre à représenter les couleurs changeantes d'un coucher de soleil sur la lagune, les couleurs insensées que prennent les nuages pour quelques instants. La mer et le ciel semblent ici se confondre, dans un continuum magique et pourtant réaliste. On peut y voir une préfiguration de la peinture abstraite, en particulier celle de Mark Rothko au XXe siècle, qui sut lui aussi manier la lumière et les couleurs pour créer des toiles qui exercent sur l'oeil un attrait hypnotique. Voilà, vous vous confondez avec la couleur pure.
L'artiste et ses admiratrices (1827)
Cette œuvre à la touche enlevée traduisent la grande liberté de l’artiste qui se plaît à expérimenter, tant dans le choix des motifs que dans celui des matériaux qu’il emploie.
J'aime particulièrement cette saynète : il s'en dégage un sentiment de calme, d'amitié, de confiance et de confort qui donne envie de s'y installer un moment. Grâce à cette grande fenêtre, l'atelier est baigné de lumière. J'ai envie de penser qu'on est en fin de matinée ; dehors, le printemps s'éveille dans le parc, immense, qui entoure la demeure.
Turner venait régulièrement se détendre sur les terres de son protecteur Lord Egremont à Petworth dans le Sussex (manoir qui existe toujours), où il peignait des aquarelles intimistes du manoir et de ses habitants. Ici, il se représente lui-même - non sans auto-dérision - avec sa "cour d'admiratrices qui posent pour lui. Voilà, vous êtes en bonne compagnie.
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com