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Les Toqué Frères sous l'oeil de Magali Perruchini
Le
31 March 2017,
Le ballet de deux
mains façonnant une aérienne barbe-à-papa dans les allées d’un festival de
théâtre de rue : telle est la joyeuse image qui a joué le rôle de déclic
professionnel pour Magali Perruchini. Partie de l’idée de réaliser des
portraits à travers les mains des artisans, simplement assortis d’un texte
court, sa curiosité a pris le pas et aujourd’hui, sur son blog « Les
mains baladeuses », cette
infatigable découvreuse de talents dévoile des rencontres singulières, en mots
et en images. Avec générosité et
gourmandise, Magali raconte le parcours des autres, et pour une fois elle a
accepté de se raconter. Sa personnalité solaire nous a complètement séduite !
Mes Sorties Culture : Après avoir travaillé dans la communication, vous avez lancé votre blog en 2014, d’où vous est venue cette idée ?
Magali Perruchini : J’avais besoin d’une excuse pour aller rencontrer des gens. Je suis passionnée d’histoires de vie - car je crois que chacun d’entre nous a un chemin de vie qui peut inspirer d’autres personnes. Je me suis lancée après avoir suivi un coaching en reconversion qui a été le déclic pour que je lance un blog ; un envie qui trottait dans ma tête depuis de nombreuses années.
MSC : Vous aviez l’habitude du format « blog » ? « Les mains baladeuses » est particulièrement pro, tant sur le fond que dans la forme…
MP : Non, pas du tout ! Quand j’ai commencé, je n’avais jamais pris de photo, et je n’avais pas l’intention d’écrire de longs textes, mais c’est venu comme ça. Au fond, j’ai toujours rêvé d’être journaliste. Ma première rencontre à été Thierry Millet, réparateur de parapluies. J’ai finalement écrit 2 pages de textes illustrée d’une vingtaine de photos ! Du coup, le format s’est imposé de lui-même.
MSC : Les artisans que vous rencontrez ont souvent eu plusieurs vies
MP : Oui, finalement je raconte beaucoup de reconversions ! Et ça n’a rien d’évident de décider de changer de métier. Il y a parmi les artisans que j’ai rencontré un ancien directeur marketing devenu mécanicien moto, une Docteure en physique appliquée en géologie devenue origamiste, un ancien banquier reconverti en fromager, un commercial devenu boulanger…C’est passionnant d’écouter ces parcours de vie et d’en rendre compte. C’est aussi l’occasion de montrer que c’est possible ! J’aimerais que ces portraits permettent aux lecteurs d’oser vivre la vie qu’ils souhaitent pour eux-même.
MSC : Finalement ils font le choix d’une vie moins confortable, en se lançant dans l’artisanat
MP : Oui, ce sont des métiers très exigeants. C’est beaucoup de sacrifices, tant sur le plan des horaires de travail que financiers. C’est la passion qui permet de tenir ! Il leur faut souvent abandonner un certain confort social, une sécurité financière. Mais tous se disent plus heureux depuis qu’ils font ce qu’ils aiment. C’est le besoin de réalisation de soi, du retour au concret, aux sens et au sens et à la matière qui les poussent vers les métiers manuels. Une de ces passionnées m’a d’ailleurs avoué qu’elle avait un plus grand sentiment de réussite aujourd’hui, en vendant des origamis partout à travers le monde, qu’à l’époque où elle travaillait dans un laboratoire comme physicienne.
MSC : J’ai le sentiment que c’est un peu votre cas, votre reconversion vous a-t-elle permis de vous épanouir ?
MP : Oui c’est certain. Et ce qui revient souvent aussi, que je ressens également, c’est le fait de disposer d’une grande liberté, même si elle s’accompagne du doute.
MSC : En parlant de liberté, vous avez aussi pris la route à bord d’une 4L pour rencontrer les artisans partout en France…
MP : Oui, avec Lucile Grémion nous avons réalisé un reportage itinérant sur 1 mois, à la rencontre de 12 artisans “nouvelle génération”. Pour notre partenaire et grâce à l’équipe composée de Thomas Savary (réalisateur) et Thomas Lozano (ingénieur du son), nous avons réalisé des vidéos pour promouvoir l’artisanat français. Notre véhicule a été customisé par un collectif d’artistes et d’artisans – le peintre en lettres 6 lettres, l’artiste végétaliste M. Plant et deux illustrateurs, Mahogany et Aksel Varichon … la 4L est ainsi devenue un objet de communication ambulant !
MSC : Là aussi vous avez fait des rencontres étonnantes…
MP : Oui notamment une tanneuse en peau de poisson, Femer, qui crée du cuir à partir de peaux de poissons qu’elle récupère dans les poissonnerie. Chacun d’entre eux a un parcours différent et rend compte des différentes motivations qui poussent une nouvelle génération à se lancer dans les métiers manuels.
MSC : Comment interprétez-vous le retour du « fait main », du bel objet ?
MP : Je pense que c’est lié à un profond besoin de se reconnecter à des objets qui ont une histoire. On veut savoir par qui il a été fabriqué et comment. On ne veut plus d’objets qui sont fabriqués à l’autre bout du monde dans des conditions parfois inhumaines. Je pense que les mentalités évoluent : à l’ère de la surconsommation, on revient aux bases. De nombreux quartiers sont réinvestis par l’artisanat, les villes créent des quartiers d’ateliers, à Paris mais aussi à Pantin ou à Montreuil par exemple.
MSC : L’opposition manuel/intellectuel n’a pas tellement de sens, finalement…
MP : Non, d’autant moins que tous ces artisans sont aussi des entrepreneurs. En tant que tel, leur travail englobe la production des objets mais aussi la gestion, la comptabilité, la commercialisation… La réflexion n’est pas déconnectée du manuel comme on nous l’a longtemps fait croire. C’est en cela que les activités artisanales procurent un fort sentiment de réalisation de soi.
MSC : Et quelle nuance faites-vous entre artiste et artisan ?
Il arrive que les artistes aient une idée en tête, un concept, sans avoir la maîtrise technique qui leur permet de le réaliser. Ils font alors appel aux artisans. Après, c’est une question délicate que je ne maîtrise pas. Peut-être une question de statut ? Est-ce que l’on est artiste quand on expose en galerie ?
MSC : Quel est votre rapport personnel à la culture, à l’art et à l’histoire ?
MP : J’ai été « greeter » à Montmartre à l’époque où j’y habitais, et aussi guide touristique en Bourgogne, d’où je suis originaire. C’est assez naturellement que je fais le lien entre la culture, l’histoire, et le rôle des artisans. Pour moi, ce sont des passeurs d’histoire, de culture. Ils sont les garants de certains savoir-faire. C’est le cas des orfèvres par exemple : leur technique n’a pas changé au fil des siècles, elle se transmet d’artisan en artisan. Antoinette Poisson est aussi un cas intéressant : des artisans créateurs qui ont remis au goût du jour une technique du XVIIIè siècle, celle des « dominos », ancêtres du papier peint.
MSC : Avant de nous quitter, avez-vous d’autres bonnes adresses parisiennes à suggérer à nos lecteurs ?
MP : Oui en voici quelques-unes ! Mais mon conseil, c’est de ne pas hésiter à pousser des portes, à entrer dans les cours...on y découvre parfois des trésors insoupçonnés.
- Empreintes, concept-store des métiers d'art lancé par Atelier d’Art de France. Une belle adresse pour faire des achats “handmade”, 5 rue de Picardie dans le 3e
- Atelier Singulier : magnifique lieu sous verrière dédié aux objets du quotidien faits main en France. Ouverture du lieu sur rdv, 38 rue de Sedaine, dans le 11e
- Viaduc des Arts : qui égrène des boutiques et des ateliers dédiés à l'artisanat. Il faut en profiter pour se balader le long de la "coulée verte" sur le toit du viaduc, 10 cours du marché Saint-Antoine dans le 12e.
- La Cour de l’Industrie, ce sont d’anciennes cours industrielles du 19è siècle subsistant au cœur du quartier historique du faubourg Saint-Antoine, dans le 11e arrondissement. Trois cours se succèdent qui ont été réinvesties par une cinquantaine d'artistes et d'artisans, 37 bis rue de Montreuil dans le 11e
- Boutique Atelier d'Alix D. Reynis : une femme artisan qui propose des objets de décoration et d'art de la table en porcelaine de Limoges. Il y a la boutique au rez-de-chaussée et son atelier est installé dans le sous-sol sous une voute en pierres. 14 rue des Commines, dans le 4e
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Et pour retrouver le projet du tour de France par là!
Propos recueillis par Sonia Zannad / Mes sorties culture
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Mes Sorties Culture : Après avoir travaillé dans la communication, vous avez lancé votre blog en 2014, d’où vous est venue cette idée ?
Magali Perruchini : J’avais besoin d’une excuse pour aller rencontrer des gens. Je suis passionnée d’histoires de vie - car je crois que chacun d’entre nous a un chemin de vie qui peut inspirer d’autres personnes. Je me suis lancée après avoir suivi un coaching en reconversion qui a été le déclic pour que je lance un blog ; un envie qui trottait dans ma tête depuis de nombreuses années.
MSC : Vous aviez l’habitude du format « blog » ? « Les mains baladeuses » est particulièrement pro, tant sur le fond que dans la forme…
MP : Non, pas du tout ! Quand j’ai commencé, je n’avais jamais pris de photo, et je n’avais pas l’intention d’écrire de longs textes, mais c’est venu comme ça. Au fond, j’ai toujours rêvé d’être journaliste. Ma première rencontre à été Thierry Millet, réparateur de parapluies. J’ai finalement écrit 2 pages de textes illustrée d’une vingtaine de photos ! Du coup, le format s’est imposé de lui-même.
MSC : Les artisans que vous rencontrez ont souvent eu plusieurs vies
MP : Oui, finalement je raconte beaucoup de reconversions ! Et ça n’a rien d’évident de décider de changer de métier. Il y a parmi les artisans que j’ai rencontré un ancien directeur marketing devenu mécanicien moto, une Docteure en physique appliquée en géologie devenue origamiste, un ancien banquier reconverti en fromager, un commercial devenu boulanger…C’est passionnant d’écouter ces parcours de vie et d’en rendre compte. C’est aussi l’occasion de montrer que c’est possible ! J’aimerais que ces portraits permettent aux lecteurs d’oser vivre la vie qu’ils souhaitent pour eux-même.
MSC : Finalement ils font le choix d’une vie moins confortable, en se lançant dans l’artisanat
MP : Oui, ce sont des métiers très exigeants. C’est beaucoup de sacrifices, tant sur le plan des horaires de travail que financiers. C’est la passion qui permet de tenir ! Il leur faut souvent abandonner un certain confort social, une sécurité financière. Mais tous se disent plus heureux depuis qu’ils font ce qu’ils aiment. C’est le besoin de réalisation de soi, du retour au concret, aux sens et au sens et à la matière qui les poussent vers les métiers manuels. Une de ces passionnées m’a d’ailleurs avoué qu’elle avait un plus grand sentiment de réussite aujourd’hui, en vendant des origamis partout à travers le monde, qu’à l’époque où elle travaillait dans un laboratoire comme physicienne.
MSC : J’ai le sentiment que c’est un peu votre cas, votre reconversion vous a-t-elle permis de vous épanouir ?
MP : Oui c’est certain. Et ce qui revient souvent aussi, que je ressens également, c’est le fait de disposer d’une grande liberté, même si elle s’accompagne du doute.
MSC : En parlant de liberté, vous avez aussi pris la route à bord d’une 4L pour rencontrer les artisans partout en France…
MP : Oui, avec Lucile Grémion nous avons réalisé un reportage itinérant sur 1 mois, à la rencontre de 12 artisans “nouvelle génération”. Pour notre partenaire et grâce à l’équipe composée de Thomas Savary (réalisateur) et Thomas Lozano (ingénieur du son), nous avons réalisé des vidéos pour promouvoir l’artisanat français. Notre véhicule a été customisé par un collectif d’artistes et d’artisans – le peintre en lettres 6 lettres, l’artiste végétaliste M. Plant et deux illustrateurs, Mahogany et Aksel Varichon … la 4L est ainsi devenue un objet de communication ambulant !
MSC : Là aussi vous avez fait des rencontres étonnantes…
MP : Oui notamment une tanneuse en peau de poisson, Femer, qui crée du cuir à partir de peaux de poissons qu’elle récupère dans les poissonnerie. Chacun d’entre eux a un parcours différent et rend compte des différentes motivations qui poussent une nouvelle génération à se lancer dans les métiers manuels.
MSC : Comment interprétez-vous le retour du « fait main », du bel objet ?
MP : Je pense que c’est lié à un profond besoin de se reconnecter à des objets qui ont une histoire. On veut savoir par qui il a été fabriqué et comment. On ne veut plus d’objets qui sont fabriqués à l’autre bout du monde dans des conditions parfois inhumaines. Je pense que les mentalités évoluent : à l’ère de la surconsommation, on revient aux bases. De nombreux quartiers sont réinvestis par l’artisanat, les villes créent des quartiers d’ateliers, à Paris mais aussi à Pantin ou à Montreuil par exemple.
MSC : L’opposition manuel/intellectuel n’a pas tellement de sens, finalement…
MP : Non, d’autant moins que tous ces artisans sont aussi des entrepreneurs. En tant que tel, leur travail englobe la production des objets mais aussi la gestion, la comptabilité, la commercialisation… La réflexion n’est pas déconnectée du manuel comme on nous l’a longtemps fait croire. C’est en cela que les activités artisanales procurent un fort sentiment de réalisation de soi.
MSC : Et quelle nuance faites-vous entre artiste et artisan ?
Il arrive que les artistes aient une idée en tête, un concept, sans avoir la maîtrise technique qui leur permet de le réaliser. Ils font alors appel aux artisans. Après, c’est une question délicate que je ne maîtrise pas. Peut-être une question de statut ? Est-ce que l’on est artiste quand on expose en galerie ?
MSC : Quel est votre rapport personnel à la culture, à l’art et à l’histoire ?
MP : J’ai été « greeter » à Montmartre à l’époque où j’y habitais, et aussi guide touristique en Bourgogne, d’où je suis originaire. C’est assez naturellement que je fais le lien entre la culture, l’histoire, et le rôle des artisans. Pour moi, ce sont des passeurs d’histoire, de culture. Ils sont les garants de certains savoir-faire. C’est le cas des orfèvres par exemple : leur technique n’a pas changé au fil des siècles, elle se transmet d’artisan en artisan. Antoinette Poisson est aussi un cas intéressant : des artisans créateurs qui ont remis au goût du jour une technique du XVIIIè siècle, celle des « dominos », ancêtres du papier peint.
MSC : Avant de nous quitter, avez-vous d’autres bonnes adresses parisiennes à suggérer à nos lecteurs ?
MP : Oui en voici quelques-unes ! Mais mon conseil, c’est de ne pas hésiter à pousser des portes, à entrer dans les cours...on y découvre parfois des trésors insoupçonnés.
- Empreintes, concept-store des métiers d'art lancé par Atelier d’Art de France. Une belle adresse pour faire des achats “handmade”, 5 rue de Picardie dans le 3e
- Atelier Singulier : magnifique lieu sous verrière dédié aux objets du quotidien faits main en France. Ouverture du lieu sur rdv, 38 rue de Sedaine, dans le 11e
- Viaduc des Arts : qui égrène des boutiques et des ateliers dédiés à l'artisanat. Il faut en profiter pour se balader le long de la "coulée verte" sur le toit du viaduc, 10 cours du marché Saint-Antoine dans le 12e.
- La Cour de l’Industrie, ce sont d’anciennes cours industrielles du 19è siècle subsistant au cœur du quartier historique du faubourg Saint-Antoine, dans le 11e arrondissement. Trois cours se succèdent qui ont été réinvesties par une cinquantaine d'artistes et d'artisans, 37 bis rue de Montreuil dans le 11e
- Boutique Atelier d'Alix D. Reynis : une femme artisan qui propose des objets de décoration et d'art de la table en porcelaine de Limoges. Il y a la boutique au rez-de-chaussée et son atelier est installé dans le sous-sol sous une voute en pierres. 14 rue des Commines, dans le 4e
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Propos recueillis par Sonia Zannad / Mes sorties culture
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com