MNR, ce tableau appartient-il à votre famille ?
Credits image :
Albert Marquet (1875-1947) s’inscrit en 1890 à l’École des Arts décoratifs où il rencontre Henri Matisse, un peu plus âgé que lui, qui le prend sous son aile. Pendant que Matisse peint d’après modèle, Marquet se tourne vers la Seine, la ville et ses couleurs. À partir de 1903, toujours attiré par les bords de mer, il commence à voyager : France, Europe, Asie... Après la Première Guerre mondiale, il connaît enfin le succès.

Le tableau affiché, "la tempêteest une oeuvre de Marquet. Il a une histoire tumultueuse, douloureuse et incomplète, marquée par la Seconde Guerre Mondiale. Et attend encore son propriétaire...

Seconde Guerre mondiale. Organisée par le théoricien nazi Alfred Rosenberg, une spoliation d’œuvres d’art se met en place à grande échelle. Elle concerne les Juifs, mais aussi des musées et des collections privées dans tous les pays occupés. Les nazis justifient ce pillage par le "principe de préservation du patrimoine artistique" allant de pair avec un projet de Hitler d’un musée allemand gigantesque, projet qui ne verra pas le jour.

En France, après la défaite, avec la complicité de l'Etat pétainiste, il est interdit aux Juifs de pratiquer une activité économique. Il s’ensuit que les salles des ventes regorgent d'œuvres à vendre, leurs propriétaires cherchant à trouver de l'argent. De plus, de nombreux Juifs sont déchus de leur nationalité française. Leurs biens et œuvres d’art sont alors saisis puis vendus aux enchères dans les salles des ventes. Des circuits de revendeurs se mettent en place et réalisent de lucratives opérations, profitant de la détresse des propriétaires d’œuvres d’art. Les œuvres partent directement en Allemagne...

Beaucoup d’officiels nazis se servent... En 2015, un catalogue est exhumé des Archives diplomatiques françaises. D’apparence banale, écrit sur un registre d’épicier, il contient la liste, minutieusement renseignée, des 1376 œuvres d’art constituant la collection d’Hermann Goering, n°2 du régime nazi, dont une grande partie est volée en France à des collectionneurs juifs.

"La tempête" fait partie de l'immense butin de guerre amassé par les Allemands. À l'issue de la guerre, beaucoup d’œuvres volées sont identifiées et rendues à la France. On estime à environ 60,000 le nombre d’œuvres d’art rapatriées en France, dont beaucoup avec l'aide de Rose Valland. Certaines sont alors rendues à leur propriétaire, mais d'autres, conservées dans des musées, sont encore dans l'attente d'être restituées. Le tableau de Marquet a été confié au Centre Georges Pompidou, à Paris.

Ces œuvres, au nombre d'environ 2,000, sont des "MNR", ce sigle signifiant "Musées Nationaux Récupération". Afin de faciliter la recherche et la reconnaissance éventuelle par des propriétaires spoliés, l’Etat Français a mis en place la "base de données Rose-Valland (MNR)", accessible par le site pop.culture.fr (plateforme ouverte du patrimoine).

Le rapport des nazis à l’art est ambivalent. En effet, à partir de 1937, est nommée "Art dégénéré" toute forme d'expression liée à l'art moderne. Le régime entreprend même de monter des expositions itinérantes avec des œuvres dites "dégénérées", voulant démontrer que les artistes ne travaillent guère mieux que des malades mentaux. Contre toute attente, le succès est immense !

Le Musée national Picasso-Paris présente, du 18 février au 25 mai 2025, une exposition temporaire : "L’art dégénéré : Le procès de l’art moderne sous le nazisme". Elle explore et met en perspective l’attaque méthodique du régime nazi contre l’art moderne et la place qu’y occupe Pablo Picasso, archétype de l’artiste "dégénéré".


Tout en cherchant les MNR dans les musées de France :

Un passionnant roman de Benoît Séverac sur une histoire de spoliation, Le tableau du peintre juif. Eli Trudel, célèbre peintre, ayant été hébergé pendant l'Occupation par ses grands-parents, le tableau est la preuve de sa reconnaissance et Stéphane en hérite aujourd'hui. Quand le tableau est présenté aux experts, Stéphane est placé en garde à vue : l'œuvre aurait été volée...

Les instruments de musique spoliés pendant la Seconde Guerre mondiale sont le sujet du roman Le Stradivarius de Goebbels écrit par Yoann Iacono. En 1943, Joseph Goebbels offre un Stradivarius à une jeune virtuose japonaise. Le violon a d'abord appartenu à un musicien juif assassiné et, hanté par son âme, refuse de sonner. Après-guerre, Félix Sitterlin est chargé de retrouver l'instrument confisqué...

On les appelait les Monuments men ; ils venaient de treize pays différents... Leur mission : accompagner les armées de la libération pour protéger le patrimoine architectural européen et récupérer les milliers d'oeuvres d'art saisies par les Nazis. Un livre raconte cette fabuleuse recherche. Un film réalisé par George Clooney, en a été tiré : le  livre et le film


Bonne quête des MNR !


Vous aussi, publiez vos propres articles
sur TartinesDeCulture !
Je m'inscris