L'art de la provocation selon Marcel Duchamp
Qu'est-ce qu'une œuvre d'art ? C'est la question que Marcel Duchamp, artiste influencé par le dadaïsme et le surréalisme, et surtout provocateur en chef, a posé au monde entier en 1917, en présentant "Fountain" à un Salon indépendant de New York. Cette soi-)disant fontaine, c'est en fait un urinoir en faïence de fabrication industrielle, un objet manufacturé acheté ou récupéré par l'artiste, qu'il présente retourné (la partie qui se trouve habituellement fixée au mur est ici posée sur un socle) auquel il a simplement adjoint une signature à la peinture noire : "R. Mutt". Mutt en anglais c'est le crétin, l'andouille : le patronyme n'est sûrement pas choisi au hasard. Le nom de l'œuvre non plus : associer la fontaine, bel objet romantique, aux latrines, c'est assez croquignolet.

Le salon new yorkais crie au scandale et refuse d'exposer cette 'œuvre", malgré la vive défense des amis surréalistes de Duchamp. Aujourd'hui, l'œuvre originale a disparu et nul ne sait où elle se trouve, mais plus d'une dizaine de copies produites par Duchamp lui-même dans les années 1960 sont exposées dans différents musées d'art moderne à travers le monde. Alors, pourquoi cette "œuvre" a-t-elle tant scandalisé, et pourquoi marque-t-elle un tournant dans la conception de l'art et la création de l'art conceptuel?

C'est qu'avec "Fountain", Duchamp déclare que l'art ne se limite pas à la production artistique et fonde les préceptes qui continuent d'alimenter l'art contemporain. Pour l'art conceptuel qu'il fait naître dans un geste radical et un éclat de rire enfantin, c'est l'idée qui compte, la signature peut-être, et enfin le regard que l'on porte sur un objet, en fonction du contexte dans lequel il est présenté. Il n'en est pas à son coup d'essai en matière de "ready-mades" (comprendre "tout prêt") : on connaît son porte-bouteilles, sa roue sur un tabouret… et il fera des émules, parmi lesquels Picasso ou Warhol.

Duchamp invente un art non institutionnel, non conventionnel, prêt à dégainer, prêt à provoquer, prêt à renverser l'ordre établi, à décaler la pensée, un art aussi qui ne se prend pas trop au sérieux et qui renvoie sans cesse à celle ou celui qui regarde à son libre-arbitre, sans rien lui imposer sinon un temps de réflexion et un moment de légèreté : à vous de décider si c'est de l'art…ou juste un urinoir, semble-t-il nous dire.

Mes Sorties Culture / Sonia Zannad

szannad@messortiesculture.com 
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