Le
20 May 2023,
Wayne Thiebaud (1920-2021) est un peintre américain qui fut aussi un enseignant de renom, encore assez peu connu en Europe.
C'est à l'âge de 40 ans, à la fin des années 1950, qu'il développe son style personnel, alors que l'expressionisme abstrait (Jackson Pollock, Willem de Kooning) rencontre un grand succès aux Etats-Unis et que le Pop Art est encore balbutiant.
La série de peintures qu'il expose à New York est immédiatement appréciée : il vend toutes les œuvres présentées lors de sa première exposition en galerie! Réalistes et colorées, ses étranges natures mortes présentent des rangées bien ordonnées de bonbons, de tartes, de gâteaux et de donuts au glaçage généreux. En cherchant sa voie et en explorant le monde des formes, c'est ce que Thiebaud a eu spontanément envie de peindre, se remémorant les diners dans lesquels il avait été serveur, adolescent.
A partir de ces formes simples, répétées, il fabrique du "candy for the eye", comme on dit en anglais, de véritables bonbons pour les yeux, hypnotiques par la simplicité des formes et l'harmonie des couleurs, mais aussi par la recherche sur la texture. La matière de la peinture est très visible sur les toiles, à tel point que la peinture de la meringue finit par ressembler à la meringue elle-même, ou que le glaçage blanc semble vraiment en sucre brillant, alors qu'il est évident qu'il s'agit d'une peinture : les gâteaux sont présentés sur un fond neutre, sans aucun indice qui permettrait de les placer dans un quelconque contexte. On en mangerait, mais l'hyperréalisme est ici synonyme de frustration immédiate!
Le côté "faux" (industriel) et standardisé de ces douceurs apparaît clairement dans le rendu pictural, mais il n'est pas question ici de dénoncer quoi que ce soit, simplement de rendre compte d'une magnifique réalité visuelle, de la beauté du quotidien.
Jouant avec une lumière franche, peut-être celle de sa Californie d'adoption, Thiebaud prend soin de définir des ombres nettes, un peu comme sur une photo publicitaire : un monde qu'il a bien connu pou y avoir travaillé, peu après un passage par les studios Disney. Ce côté "fun" et "pop" est parfaitement lisible dans le jeu avec les couleurs et dans la personnalité qu'il donne à chaque objet, comme s'il s'agissait d'un petit personnage vivant dans un monde merveilleux.
Thiebaud joue aussi sur le rapport à l'échelle des objets : dans son œil, comme dans celui d'un enfant, une tranche de gâteau peut sembler aussi immense qu'un building! C'est avec la même gourmandise, guidé par le principe de plaisir mais surtout par une inlassable quête de perfection et un travail acharné, que le peintre disparu en 2021 à l'âge de 101 ans s'est intéressé à d'autres objets emblématiques de la société de consommation : rouges à lèvres, chaussures, cravates et même pots de peinture, tout en explorant en parallèle l'art du portrait et du paysage urbain. Un artiste inclassable et indémodable à (re)découvrir !
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
C'est à l'âge de 40 ans, à la fin des années 1950, qu'il développe son style personnel, alors que l'expressionisme abstrait (Jackson Pollock, Willem de Kooning) rencontre un grand succès aux Etats-Unis et que le Pop Art est encore balbutiant.
La série de peintures qu'il expose à New York est immédiatement appréciée : il vend toutes les œuvres présentées lors de sa première exposition en galerie! Réalistes et colorées, ses étranges natures mortes présentent des rangées bien ordonnées de bonbons, de tartes, de gâteaux et de donuts au glaçage généreux. En cherchant sa voie et en explorant le monde des formes, c'est ce que Thiebaud a eu spontanément envie de peindre, se remémorant les diners dans lesquels il avait été serveur, adolescent.
A partir de ces formes simples, répétées, il fabrique du "candy for the eye", comme on dit en anglais, de véritables bonbons pour les yeux, hypnotiques par la simplicité des formes et l'harmonie des couleurs, mais aussi par la recherche sur la texture. La matière de la peinture est très visible sur les toiles, à tel point que la peinture de la meringue finit par ressembler à la meringue elle-même, ou que le glaçage blanc semble vraiment en sucre brillant, alors qu'il est évident qu'il s'agit d'une peinture : les gâteaux sont présentés sur un fond neutre, sans aucun indice qui permettrait de les placer dans un quelconque contexte. On en mangerait, mais l'hyperréalisme est ici synonyme de frustration immédiate!
Le côté "faux" (industriel) et standardisé de ces douceurs apparaît clairement dans le rendu pictural, mais il n'est pas question ici de dénoncer quoi que ce soit, simplement de rendre compte d'une magnifique réalité visuelle, de la beauté du quotidien.
Jouant avec une lumière franche, peut-être celle de sa Californie d'adoption, Thiebaud prend soin de définir des ombres nettes, un peu comme sur une photo publicitaire : un monde qu'il a bien connu pou y avoir travaillé, peu après un passage par les studios Disney. Ce côté "fun" et "pop" est parfaitement lisible dans le jeu avec les couleurs et dans la personnalité qu'il donne à chaque objet, comme s'il s'agissait d'un petit personnage vivant dans un monde merveilleux.
Thiebaud joue aussi sur le rapport à l'échelle des objets : dans son œil, comme dans celui d'un enfant, une tranche de gâteau peut sembler aussi immense qu'un building! C'est avec la même gourmandise, guidé par le principe de plaisir mais surtout par une inlassable quête de perfection et un travail acharné, que le peintre disparu en 2021 à l'âge de 101 ans s'est intéressé à d'autres objets emblématiques de la société de consommation : rouges à lèvres, chaussures, cravates et même pots de peinture, tout en explorant en parallèle l'art du portrait et du paysage urbain. Un artiste inclassable et indémodable à (re)découvrir !
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
