Credits image :
Tirailleurs sénégalais en 1940
Le
14 November 2017,
Sur une stèle perdue dans
un village de France, quelques noms sont écrits et il est mentionné ceci : "Passant, ils sont tombés fraternellement,
unis pour que tu restes Français".
Que reste-t-il, dans notre mémoire collective, de ces centaines de milliers d’hommes d’au-delà des mers, soumis pour la plupart au "Code de l’indigénat", qui en faisait des sujets français et non des citoyens français, venus contribuer par deux fois à la libération de la patrie ?
Léopold Sédar Senghor leur rend hommage dans ce poème, extrait de son recueil Hosties Noires :
Sang sang ô sang noir de mes frères, vous tachez l'innocence de mes draps
Vous êtes la sueur où baigne mon angoisse, vous êtes la souffrance qui enroue ma voix
Wôi! entendez ma voix aveugle, génies sourds-muets de la nuit.
Pluie de sang rouge sauterelles! Et mon cœur crie à l'azur et à la merci.
Non, vous n'êtes pas morts gratuits ô Morts! Ce sang n'est pas de l'eau tépide.
Il arrose épais notre espoir, qui fleurira au crépuscule.
Il est notre soif notre faim d'honneur, ces grandes reines absolues
Non, vous n'êtes pas morts gratuits. Vous êtes les témoins de l'Afrique immortelle
Vous êtes les témoins du monde nouveau qui sera demain.
Je m’appelle Addi Ba Mamadou, et je suis guinéen, né le 25 Décembre 1916.
Nous somme en 1940. Rappelez-vous, les Allemands avancent, tels des loups, gagnant chaque jour du terrain, balayant la France pour la rendre Allemande, avec son cortège de lois racistes.
Nous, les tirailleurs sénégalais, ils nous font bien peur, ces Allemands. Quand ils nous capturent, on voit bien dans leurs yeux qu’on est des sous-hommes, et ils nous tuent tout de suite, dans des conditions atroces. Pas de prisonnier noir chez les Allemands.
On nous a envoyés pour couvrir le repli de l’Armée Française...On se fait canarder sans cesse. Et qu’on a peur ! Juin 40 dans les Ardennes. Les Allemands font des régiments entiers de prisonniers et moi, Addi Ba, guinéen, je me fais tout petit pour ne pas être fusillé. Et puis je réussis à m’enfuir...
Je ne sais pas ce qui m’est arrivé. Des jours et des jours à me cacher, dans des fossés, des broussailles, des forêts, la peur au ventre de me faire attraper et fusiller.
Dans les Vosges à la saison des colchiques, un père et son fils cherchent des champignons. En lisière de la forêt, ils tombent sur un "pauvre nègre" de "petite taille, teint de ricin, nez de gamin, yeux de chat, ses habits de tirailleur tachés de sueur et de boue." Le fils pousse "le cri de sa vie". On m’a trouvé là, gisant, affamé, glacé, blessé...
Vous ai-je dit qu’à mon arrivée dans ce petit village, personne n’avait vu de noir ? Ah, il en a fallu du temps pour que je les comprenne ces villageois, leur drôle de nourriture, leurs drôles d’habitudes, leur patois ! Ah, il en a fallu du temps pour que ces villageois me comprennent !
On a fini par s’entendre... Avec eux, j'écoute Radio Londres. Leurs femmes surtout m’aiment bien. Ils sont bien curieux de mes allers-venues la nuit et ils se demandent bien ce que je peux faire....
Moi Addi Ba, je participe à l’organisation du premier maquis de résistance dans les Vosges. Les Allemands ont tellement peur de moi qu’ils m’ont appelé "le terroriste noir" (Der schwarze Terrorist).
Je suis une figure de la résistance française. Arrivé en France en 1937-1938 dans la famille d'un percepteur colonial, je séjourne un an à Langeais en Indre-et-Loire avant de rejoindre Paris. Je m'engage dans l'armée française en 1939 où je fais partie du 12e régiment de tirailleurs sénégalais.
Fait prisonnier, je parviens à m'échapper et je rejoins avec d'autres le maquis des Vosges. En 1942, j’entre dans la résistance. Avec Marcel Arburger nous créons le premier maquis vosgien baptisé "Délivrance". Je suis arrêté le 18 novembre 1943 par les Allemands lors de l'attaque du maquis du camp de la Délivrance.
Mais mes ancêtres sont fiers de moi : même sous la torture, je ne parle pas.
Je m'appelais Addi Ba Mamadou. J'ai été fusillé le 18 décembre 1943 à Épinal sur le plateau de la Vierge, en même temps que le chef du maquis Marcel Arburger. Je ne saurai jamais qui m'a dénoncé. Trois communes, à Langeais, en Indre-et-Loire, à Tollaincourt et à La Vacheresse-et-la-Rouillie, dans les Vosges, possèdent une rue Addi-Bâ.
Qui pourra vous chanter si ce n’est votre frère d’armes, votre frère de sang
Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude, couchés sous la glace et la mort ?
Poème liminaire, Léopold César Senghor
Je ne peux que conseiller l'excellent livre Le terroriste noir de Tierno Monénembo.
Un ouvrage historique, de Etienne Guillermond, Addi Ba, le résistant des Vosges est paru.
Pour en savoir plus sur les tirailleurs sénégalais, n'hésitez pas à acheter le livre de Eric Deroo, La Force Noire, Gloire et infortune d'une légende coloniale
ou alors en DVD.
Si vous êtes féru de la seconde guerre mondiale, suivez le guide, n'hésitez surtout pas :
- Le Fort de Mutzig
- Ligne Maginot
- Maison d'Izieu
- Le Mont Valérien
- Mémorial de la Shoah
- Musée de la résistance de Bondues
Que reste-t-il, dans notre mémoire collective, de ces centaines de milliers d’hommes d’au-delà des mers, soumis pour la plupart au "Code de l’indigénat", qui en faisait des sujets français et non des citoyens français, venus contribuer par deux fois à la libération de la patrie ?
Léopold Sédar Senghor leur rend hommage dans ce poème, extrait de son recueil Hosties Noires :
Sang sang ô sang noir de mes frères, vous tachez l'innocence de mes draps
Vous êtes la sueur où baigne mon angoisse, vous êtes la souffrance qui enroue ma voix
Wôi! entendez ma voix aveugle, génies sourds-muets de la nuit.
Pluie de sang rouge sauterelles! Et mon cœur crie à l'azur et à la merci.
Non, vous n'êtes pas morts gratuits ô Morts! Ce sang n'est pas de l'eau tépide.
Il arrose épais notre espoir, qui fleurira au crépuscule.
Il est notre soif notre faim d'honneur, ces grandes reines absolues
Non, vous n'êtes pas morts gratuits. Vous êtes les témoins de l'Afrique immortelle
Vous êtes les témoins du monde nouveau qui sera demain.
Je m’appelle Addi Ba Mamadou, et je suis guinéen, né le 25 Décembre 1916.
Nous somme en 1940. Rappelez-vous, les Allemands avancent, tels des loups, gagnant chaque jour du terrain, balayant la France pour la rendre Allemande, avec son cortège de lois racistes.
Nous, les tirailleurs sénégalais, ils nous font bien peur, ces Allemands. Quand ils nous capturent, on voit bien dans leurs yeux qu’on est des sous-hommes, et ils nous tuent tout de suite, dans des conditions atroces. Pas de prisonnier noir chez les Allemands.
On nous a envoyés pour couvrir le repli de l’Armée Française...On se fait canarder sans cesse. Et qu’on a peur ! Juin 40 dans les Ardennes. Les Allemands font des régiments entiers de prisonniers et moi, Addi Ba, guinéen, je me fais tout petit pour ne pas être fusillé. Et puis je réussis à m’enfuir...
Je ne sais pas ce qui m’est arrivé. Des jours et des jours à me cacher, dans des fossés, des broussailles, des forêts, la peur au ventre de me faire attraper et fusiller.
Dans les Vosges à la saison des colchiques, un père et son fils cherchent des champignons. En lisière de la forêt, ils tombent sur un "pauvre nègre" de "petite taille, teint de ricin, nez de gamin, yeux de chat, ses habits de tirailleur tachés de sueur et de boue." Le fils pousse "le cri de sa vie". On m’a trouvé là, gisant, affamé, glacé, blessé...
Vous ai-je dit qu’à mon arrivée dans ce petit village, personne n’avait vu de noir ? Ah, il en a fallu du temps pour que je les comprenne ces villageois, leur drôle de nourriture, leurs drôles d’habitudes, leur patois ! Ah, il en a fallu du temps pour que ces villageois me comprennent !
On a fini par s’entendre... Avec eux, j'écoute Radio Londres. Leurs femmes surtout m’aiment bien. Ils sont bien curieux de mes allers-venues la nuit et ils se demandent bien ce que je peux faire....
Moi Addi Ba, je participe à l’organisation du premier maquis de résistance dans les Vosges. Les Allemands ont tellement peur de moi qu’ils m’ont appelé "le terroriste noir" (Der schwarze Terrorist).
Je suis une figure de la résistance française. Arrivé en France en 1937-1938 dans la famille d'un percepteur colonial, je séjourne un an à Langeais en Indre-et-Loire avant de rejoindre Paris. Je m'engage dans l'armée française en 1939 où je fais partie du 12e régiment de tirailleurs sénégalais.
Fait prisonnier, je parviens à m'échapper et je rejoins avec d'autres le maquis des Vosges. En 1942, j’entre dans la résistance. Avec Marcel Arburger nous créons le premier maquis vosgien baptisé "Délivrance". Je suis arrêté le 18 novembre 1943 par les Allemands lors de l'attaque du maquis du camp de la Délivrance.
Mais mes ancêtres sont fiers de moi : même sous la torture, je ne parle pas.
Je m'appelais Addi Ba Mamadou. J'ai été fusillé le 18 décembre 1943 à Épinal sur le plateau de la Vierge, en même temps que le chef du maquis Marcel Arburger. Je ne saurai jamais qui m'a dénoncé. Trois communes, à Langeais, en Indre-et-Loire, à Tollaincourt et à La Vacheresse-et-la-Rouillie, dans les Vosges, possèdent une rue Addi-Bâ.
Qui pourra vous chanter si ce n’est votre frère d’armes, votre frère de sang
Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude, couchés sous la glace et la mort ?
Poème liminaire, Léopold César Senghor
Je ne peux que conseiller l'excellent livre Le terroriste noir de Tierno Monénembo.
Un ouvrage historique, de Etienne Guillermond, Addi Ba, le résistant des Vosges est paru.
Pour en savoir plus sur les tirailleurs sénégalais, n'hésitez pas à acheter le livre de Eric Deroo, La Force Noire, Gloire et infortune d'une légende coloniale
ou alors en DVD.
Si vous êtes féru de la seconde guerre mondiale, suivez le guide, n'hésitez surtout pas :
- Le Fort de Mutzig
- Ligne Maginot
- Maison d'Izieu
- Le Mont Valérien
- Mémorial de la Shoah
- Musée de la résistance de Bondues
