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Le
1 April 2025,
Dans la majorité des pays européens, la
prostitution connaît un grand essor au 19e siècle. A cette époque, elle est considérée
comme un mal nécessaire, à ne pas supprimer, un égout du trop-plein
séminal, le régulateur du sexe. Puisqu’il est impossible de l’éradiquer, on la réglemente
afin qu’elle ne soit pas trop visible, et pour lutter contre la propagation des
maladies vénériennes, principalement la syphilis qui fait des ravages à cette
époque. Toute prostituée doit donc être enregistrée par la police, qui lui
délivre une "carte" et l’astreint à des contrôles sanitaires
périodiques.
C’est l’âge d’or, en Europe, des "maisons closes", plus simples à encadrer. Quant aux "clandestines" ou "insoumises", qui refusent le système, elles sont pourchassées par les agents des mœurs et victimes d’internement administratif. L’ensemble est alors pensé comme un dispositif protégeant une société hypocrite d’un fléau dont on se garde bien de rechercher les causes.
Pas étonnant donc, si la prostitution est omniprésente dans l’œuvre artistique du 19e siècle, tant dans le registre littéraire bien sûr, que pictural, mais aussi musical, avec l’opéra. Les écrivains les plus réputés s’y sont frottés : Maupassant, Zola, Dickens, Balzac, Dumas fils, Flaubert, Hugo...
Christian Krohg naît en 1852 à Oslo, en Norvège. Fils et petit-fils d’hommes d’état, sa famille attend de lui qu'il pratique le droit, mais il souhaite devenir artiste. Après ses études de droit, il s’inscrit à l'Académie des Beaux-Arts de Karlsruhe, en Allemagne, où il suit son professeur à Berlin. Sa rencontre avec la métropole éveille sa conscience sociale.
Dans la veine du roman réaliste de l’époque, préoccupé par la situation difficile des femmes miséreuses, Christian Krohg édite "Albertine" en 1886, roman dont le thème principal est la prostitution à Oslo, et la facilité avec laquelle la misère y pousse les jeunes filles. Pauvre couturière, Albertine est séduite par un homme, violée puis abandonnée de tous, tombant alors rapidement dans la prostitution.
L’intention de Christian Krohg est de publier un manifeste contre la prostitution et les maisons closes. Le lendemain de sa sortie, scandale ! Le livre est aussitôt interdit par les autorités norvégiennes et l’auteur est condamné à payer une amende. Pourtant, de nombreuses personnalités norvégiennes, réputées, font fait l’éloge de ce pamphlet, qui fera avancer le débat autour de la dépénalisation de la prostitution en Norvège.
De son roman, Christian Krohg extrait des scènes qu’il immortalise dans des peintures. Comme cette jeune fille "Fatiguée", couturière, qui en plein jour, exténuée, s’allongeant quelques instants dans son fauteuil afin de soulager son dos, s’est assoupie. Pourtant appelées "filles de joie", le sort des prostituées est peu enviable, et "Albertine", pauvresse arrêtée par la police, n’a guère l’air joyeux.
Son tableau le plus célèbre, "Albertine dans la salle d'attente du médecin de police", décrit l’humiliation des prostituées obligées de se soumettre régulièrement à des examens par le médecin de la police pour vérifier qu’elles ne sont pas atteintes de maladies sexuellement transmissibles. Pour Albertine qui a lutté de toutes ses forces pour éviter de tomber dans la prostitution, c’est la honte suprême.
Toute sa vie, dans son œuvre picturale, Christian Krohg s’inspire fortement des penseurs et écrivains réalistes, choisissant des motifs de la vie quotidienne, ses peintures représentant souvent l'injustice, la misère, le travail acharné et la "Lutte pour la vie". Son style puissant et direct, qui nous livre des fragments d’humanité, fait de lui l'une des figures majeures du mouvement naturaliste, caractéristique de l'art norvégien de cette période.
Mettant en lumière les œuvres naturalistes et engagées de Christian Krohg, l'exposition que le Musée d'Orsay lui consacre, du 29 mars au 27 juillet, est la toute première rétrospective de l’artiste en dehors de la Scandinavie.
Vous pouvez la découvrir avec une visite guidée
Pour aller plus loin :
Courtisanes, demi-mondaines ou filles à numéro, qui sont-elles ? Comment se déroulent leurs journées ? Quelle est leur condition ? Cet ouvrage Les maisons closes, 1830-1930 de Laure Adler, retrace la vie quotidienne des prostituées en France et leur évolution au cours d'un siècle.
Incontournables, Boule de Suif, et La maison Tellier, sont des œuvres majeures de Guy de Maupassant, décrivant le milieu et les ravages de la prostitution. Lui-même est mort à 43 ans d’une paralysie générale, liée à une syphilis contractée 16 ans plus tôt…
Dans L'Apollonide (Souvenirs de la maison close), en 1899, l'Apollonide vit ses dernières heures. Cette chronique d'une maison close parisienne au début du siècle dernier, film triste sur les filles de joie, somptueusement mis en scène par Bertrand Bonello, a emballé la critique, obtenant huit nominations aux César 2012.
Toiles de Christian Krohg par ordre de citation :
1 – Fatiguée, 1885, Musée National des Beaux-Arts, Architecture et Design d’Oslo, Norvège
2 – Albertine, 1884, Musée des Beaux-Arts de Copenhague (SMK), Danemark
3 – Albertine dans la salle d'attente du médecin de police, 1887, Musée National des Beaux-Arts, Architecture et Design d’Oslo, Norvège
4 – Lutte pour la vie, 1889, Musée National des Beaux-Arts, Architecture et Design d’Oslo, Norvège
Bonne balade vers le Nord !
C’est l’âge d’or, en Europe, des "maisons closes", plus simples à encadrer. Quant aux "clandestines" ou "insoumises", qui refusent le système, elles sont pourchassées par les agents des mœurs et victimes d’internement administratif. L’ensemble est alors pensé comme un dispositif protégeant une société hypocrite d’un fléau dont on se garde bien de rechercher les causes.
Pas étonnant donc, si la prostitution est omniprésente dans l’œuvre artistique du 19e siècle, tant dans le registre littéraire bien sûr, que pictural, mais aussi musical, avec l’opéra. Les écrivains les plus réputés s’y sont frottés : Maupassant, Zola, Dickens, Balzac, Dumas fils, Flaubert, Hugo...
Christian Krohg naît en 1852 à Oslo, en Norvège. Fils et petit-fils d’hommes d’état, sa famille attend de lui qu'il pratique le droit, mais il souhaite devenir artiste. Après ses études de droit, il s’inscrit à l'Académie des Beaux-Arts de Karlsruhe, en Allemagne, où il suit son professeur à Berlin. Sa rencontre avec la métropole éveille sa conscience sociale.
Dans la veine du roman réaliste de l’époque, préoccupé par la situation difficile des femmes miséreuses, Christian Krohg édite "Albertine" en 1886, roman dont le thème principal est la prostitution à Oslo, et la facilité avec laquelle la misère y pousse les jeunes filles. Pauvre couturière, Albertine est séduite par un homme, violée puis abandonnée de tous, tombant alors rapidement dans la prostitution.
L’intention de Christian Krohg est de publier un manifeste contre la prostitution et les maisons closes. Le lendemain de sa sortie, scandale ! Le livre est aussitôt interdit par les autorités norvégiennes et l’auteur est condamné à payer une amende. Pourtant, de nombreuses personnalités norvégiennes, réputées, font fait l’éloge de ce pamphlet, qui fera avancer le débat autour de la dépénalisation de la prostitution en Norvège.
De son roman, Christian Krohg extrait des scènes qu’il immortalise dans des peintures. Comme cette jeune fille "Fatiguée", couturière, qui en plein jour, exténuée, s’allongeant quelques instants dans son fauteuil afin de soulager son dos, s’est assoupie. Pourtant appelées "filles de joie", le sort des prostituées est peu enviable, et "Albertine", pauvresse arrêtée par la police, n’a guère l’air joyeux.
Son tableau le plus célèbre, "Albertine dans la salle d'attente du médecin de police", décrit l’humiliation des prostituées obligées de se soumettre régulièrement à des examens par le médecin de la police pour vérifier qu’elles ne sont pas atteintes de maladies sexuellement transmissibles. Pour Albertine qui a lutté de toutes ses forces pour éviter de tomber dans la prostitution, c’est la honte suprême.
Toute sa vie, dans son œuvre picturale, Christian Krohg s’inspire fortement des penseurs et écrivains réalistes, choisissant des motifs de la vie quotidienne, ses peintures représentant souvent l'injustice, la misère, le travail acharné et la "Lutte pour la vie". Son style puissant et direct, qui nous livre des fragments d’humanité, fait de lui l'une des figures majeures du mouvement naturaliste, caractéristique de l'art norvégien de cette période.
Mettant en lumière les œuvres naturalistes et engagées de Christian Krohg, l'exposition que le Musée d'Orsay lui consacre, du 29 mars au 27 juillet, est la toute première rétrospective de l’artiste en dehors de la Scandinavie.
Vous pouvez la découvrir avec une visite guidée
Pour aller plus loin :
Courtisanes, demi-mondaines ou filles à numéro, qui sont-elles ? Comment se déroulent leurs journées ? Quelle est leur condition ? Cet ouvrage Les maisons closes, 1830-1930 de Laure Adler, retrace la vie quotidienne des prostituées en France et leur évolution au cours d'un siècle.
Incontournables, Boule de Suif, et La maison Tellier, sont des œuvres majeures de Guy de Maupassant, décrivant le milieu et les ravages de la prostitution. Lui-même est mort à 43 ans d’une paralysie générale, liée à une syphilis contractée 16 ans plus tôt…
Dans L'Apollonide (Souvenirs de la maison close), en 1899, l'Apollonide vit ses dernières heures. Cette chronique d'une maison close parisienne au début du siècle dernier, film triste sur les filles de joie, somptueusement mis en scène par Bertrand Bonello, a emballé la critique, obtenant huit nominations aux César 2012.
Toiles de Christian Krohg par ordre de citation :
1 – Fatiguée, 1885, Musée National des Beaux-Arts, Architecture et Design d’Oslo, Norvège
2 – Albertine, 1884, Musée des Beaux-Arts de Copenhague (SMK), Danemark
3 – Albertine dans la salle d'attente du médecin de police, 1887, Musée National des Beaux-Arts, Architecture et Design d’Oslo, Norvège
4 – Lutte pour la vie, 1889, Musée National des Beaux-Arts, Architecture et Design d’Oslo, Norvège
Bonne balade vers le Nord !