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Comment les artistes ont-ils représenté et fantasmé le monde de la prostitution ?

C’est à cette question que répond la fabuleuse exposition du Musée d’Orsay, « Splendeurs et misères – Images de la prostitution 1850-1910 » (jusqu’au 17 janvier 2016) qui montre à quel point le monde artistique et celui des « filles de joie » ont été liés à Paris, au tournant du 19è et du 20è siècles.

Tout, dans l’univers des courtisanes, est de nature à intriguer les artistes : le rapport au corps, la mise en scène, la vie « dissolue » en marge de la société, les faux-semblants d’une société hypocrite où la courtisane et la femme du monde se ressemblent étrangement…

C’est l’électricité, d’abord, qui donne une visibilité accrue aux prostituées des grands boulevards. Mises en lumière, elles y arpentent le pavé dans des toilettes choisies, et harponnent le regard des passants, provocantes. En parallèle, le monde caché et secret des maisons closes est également investi par les artistes, qui y trouvent d’infinies sources d’inspiration.  Mais l’envers du décor est évidemment moins brillant, et c’est ce que Picasso choisit de représenter dans cette grande toile saisissante à la sourde mélancolie.
La scène se déroule à Saint Lazare, où les prostituées syphilitiques étaient soignées - Saint Lazare était alors une prison et un hôpital. Dans un camaïeu de bleus, à la pâle lueur de la lune, on croit ressentir le froid, la tristesse et la solitude extrême de cette femme, recroquevillée et plongée dans ses pensées. Par sa simplicité, le dénuement du décor et de la toilette, mais aussi par l’empathie dont semble témoigner le peintre pour son sujet, le modèle de Picasso atteint une dimension universelle, d’où sans doute ce sous-titre, « la mélancolie ».  Mieux : à travers cette représentation sans contexte et sans jugement, Picasso (re)donne une dignité à cette penseuse, qui cesse, l’espace d’un instant mais pour l’éternité, d’en être réduite à son corps.


illustration : « Femme assise au fichu » ou « la Mélancolie »
Pablo Picasso, 1902


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