Hapax et Néologisme
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Un néologisme désigne un mot nouveau qui se diffuse dans les usages. Il devient un mot à part et est enregistré dans les dictionnaires. Lorsqu'un néologisme est une création lexicale propre à un auteur, et qu'il n'est pas repris, lorsqu'il n'apparaît une fois, on l'appelle un hapax. Un hapax est donc un mot que l’on ne retrouve qu’une seule fois dans la littérature.


Le plus célèbre hapax est "ptyx" (à ne pas confondre avec "Ptyx", qui commence par une majuscule), nom commun inventé par Stéphane Mallarmé, celui-ci n’ayant jamais laissé d’explications sur sa signification, et jamais réutilisé par la suite. Dans une de ses lettres, il révèle qu’il recherchait une rime en "-ix" qui n’existait dans aucune langue, inventant le mot pour l’occasion. Voici un extrait de "Sonnet allégorique de lui-même" (1868) :   

La Nuit approbatrice allume les onyx 
De ses ongles au pur Crime, lampadophore, 
Du Soir aboli par le vespéral Phœnix 
De qui la cendre n’a de cinéraire amphore 
Sur des consoles, en le noir Salon : nul ptyx, 
Insolite vaisseau d’inanité sonore, 
Car le Maître est allé puiser de l’eau du Styx 
Avec tous ses objets dont le Rêve s’honore. […]   


Voici un extrait du poème "Le cœur supplicié" (1871) de Arthur Rimbaud. En 1871 le mot "abracadabrantesque" est un hapax. Plus maintenant ! Il est popularisé en 2000 par Jacques Chirac…   

Ithyphalliques et pioupiesques 
Leurs insultes l’ont dépravé; 
À la vesprée, ils font des fresques 
Ithyphalliques et pioupiesques; 
Ô flots abracadabrantesques, 
Prenez mon cœur, qu’il soit sauvé! 
Ithyphalliques et pioupiesques, 
Leurs insultes l’ont dépravé.   


Marcel Proust a créé l’hapax "jusquauboutiste", si utilisé de nos jours, et n’en n’est donc plus un. Il l’introduit dans "Le Temps retrouvé", qui est le dernier tome de "À la recherche du temps perdu".

"M. Bontemps ne voulait pas entendre parler de paix avant que l'Allemagne eût été réduite au même morcellement qu'au Moyen Âge [...]. En un mot, il était ce que Brichot appelait un "jusquauboutiste"".   


Le poète Henri Michaux s’amuse avec les mots et les assemble comme bon lui semble, pour la beauté de certaines associations de mots ou pour les images que cela provoque chez le lecteur, quitte à créer un nouveau langage. Dans son poème "Le grand combat" extrait du recueil "Qui je fus" publié en 1927, Henri Michaux invente des mots. Les verbes "emparouille", "endosque", "roupète", etc employés ici n’existent pas. Ils ont été créés par le poète.

Il l’emparouille et l’endosque contre terre ; 
Il le rague et le roupète jusqu’à son drâle ; 
Il le pratèle et le libucque et lui barufle les ouillais ; 
Il le tocarde et le marmine, 
Le manage rape à ri et ripe à ra. 
Enfin il l’écorcobalisse.


Explications de l'image affichée :
  * Photo d’Henri Michaux, 1938 
  * Portrait de Marcel Proust, par Jacques-Émile Blanche, 1892, Musée d'Orsay 
  * Stéphane Mallarmé, par Pierre Auguste Renoir, 1892, Collection privée 
  * Arthur Rimbaud dans "Un coin de table", par Henri Fantin-Latour, 1872, Musée d'Orsay

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