Axomana, déesse de la pomme de terre
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La pomme de terre… Nous en mangeons beaucoup, et nos enfant en raffolent, mais d’où vient-elle ? Et dire qu’elle a sa propre déesse…


ON PART DE BRETAGNE

Souza-Pinto séjourne à de nombreuses reprises en Bretagne qui devient la toile de fond de nombre de ses oeuvres.

Il en est ainsi dans ce tableau, qu'il adresse en 1899 au Salon de la société des artistes français. 

Le premier plan est occupé par un garçonnet et une fillette occupés à faire cuire des pommes de terre sous un feu de brindilles, tandis qu'au loin quelques paysans s'activent à La récolte des pommes de terre, titre donné à l'oeuvre lorsqu'elle intègre en 1901 les collections du musée du Luxembourg. 

Cette évocation relève de la scène de genre sentimentale et s'éloigne de la glorification du rude labeur des paysans auquel s'attachent les peintres réalistes tels que Jean-François Millet.


POUR ALLER EN AMERIQUE DU SUD

La pomme de terre est originaire de la cordillère des Andes, dans le sud-ouest de l’Amérique du Sud, où son utilisation remonte à environ 10,000 ans. Les chasseurs-cueilleurs du Néolithique la domestiquent et savent traiter ses propriétés toxiques. 

Il y a 8 000 ans, cette domestication aboutit, chez les Incas par exemple, à des pratiques rationnelles de culture et de conservation. La pomme de terre et le maïs sont la base de l'alimentation de l'ensemble de l'empire Inca, et des populations vivant dans les régions voisines.

Au XVIe siècle, à l'arrivée des Conquistadors, lors de la colonisation espagnole des Amériques, des tubercules  de pomme de terre sont embarqués à bord des galions comme vivres de soute, et les explorateurs du « Nouveau Monde » les débarquent dans les ports d'Espagne et d'ailleurs. 

Il est fort probable que Francisco Pizarro et ses hommes ont contact avec le tubercule et même mangent des pommes de terre lors de leur expédition au Pérou dès 1532. Toutefois il n'en existe aucune relation écrite.

De là, la pomme de terre part à la conquête de l'Europe et du monde…


PUIS UN PERIPLE EN EUROPE

Objet de curiosité des botanistes et des rois, remède à certaines maladies pour les ecclésiastiques, elle n'est pas tout de suite considérée comme pouvant servir à l'alimentation des humains. 

Son parcours pour conquérir l’Europe est bien long ! Deux siècles ! 

Dans le sud de l’Europe, elle circule de cours en couvents, d'Espagne en Italie, puis en France, puis en Savoie, puis, ensuite, vers l'Autriche, vers l’Angleterre, vers l'Irlande et les Flandres, et ce au gré des famines ou des guerres. Quel périple ! Mais il faut attendre le début du XVIIe siècle pour qu'elle commence à être sporadiquement cultivée.

Sa conquête du territoire européen s'accélère alors, poussée dans les campagnes par les famines et les guerres. 

Au XVIIIe siècle, dans tout le vieux continent, jusqu'aux confins de la Russie, un véritable engouement se développe pour ce tubercule facile à cultiver et à conserver, et qui permet à l’Europe d'espérer la fin des famines. 

La culture de la pomme de terre, en libérant le peuple des disettes, renforce les États, nourrit leurs soldats et accompagne leurs armées dans des conquêtes plus lointaines. 

Au XIXe siècle, la force et la stabilité alimentaire acquises grâce à la pomme de terre offrent aux empires coloniaux la possibilité de s'étendre et de dominer une grande partie du monde.

La pomme de terre devient le principal soutien de la révolution industrielle, offrant une nourriture économique aux ouvriers toujours plus nombreux à se presser dans les villes, au plus près des usines.


ET DANS LE MONDE ENTIER

À la fin du XXe siècle, cultivée dans plus de 150 pays sous pratiquement toutes les latitudes habitées, la pomme de terre a conquis la planète entière...


ET EN FRANCE ?

La culture pomme de terre reste longtemps une curiosité des jardins, ou une particularité régionale, et ce jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. 

Son classement botanique parmi les morelles qui comptent parmi elles plusieurs plantes venimeuses ou réservées à un usage médicinal, ne va pas jouer en faveur du tubercule dont la consommation est très localisée ou contrainte par les vivacités des disettes. On lui prête même la faculté de transmettre la lèpre !

Mais la pomme de terre doit beaucoup à Antoine Parmentier (1737-1813)

Capturé par les Prussiens pendant la guerre de Sept Ans et libéré en 1766, c'est au cours de sa captivité en Westphalie qu'il découvre les vertus nutritives de la pomme de terre, principale nourriture donnée alors aux prisonniers par leurs geôliers. 

En 1773, dans Examen chymique des pommes de terre, il écrit : « Nos soldats ont considérablement mangé de pommes de terre dans la dernière guerre ; ils en ont même fait excès, sans avoir été incommodés ; elles ont été ma seule ressource pendant plus de quinze jours et je n’en fus ni fatigué, ni indisposé ».

Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise à Paris dans le caveau familial. 

En 1785, alors que la sécheresse ravage bon nombre de régions françaises, le roi Louis XVI ordonne de publier une « Instruction sur les moyens de suppléer à la disette des fourrages, et d'augmenter la subsistance des bestiaux ». Il y est mentionné que « les pommes de terre et les diverses espèces de choux et de navets, forment une excellente nourriture pour le bétail, et surtout pour les vaches, auxquelles elles procurent un lait abondant et de bonne qualité ». 

À partir de 1779, le receveur général des finances pratique la culture de la pomme de terre sur ses terres de Croissy. Il y développe une variété que lui a offert Benjamin Franklin. Entre 1780 et 1820, la culture maraîchère se développe autour de Croissy en profitant de la proximité de Paris qui offre un important marché.

En 1794, la Convention, confrontée à l’insuffisance des réquisitions de blé et aux émeutes, demande la généralisation, en France, de la culture de la pomme de terre.

Toutefois la pénétration de la pomme de terre dans les pratiques agricoles se fait lentement en France.

Pendant la Guerre de 1870 la pomme de terre est d'un grand secours notamment pour les assiégés de Paris. Elle est à l'ordinaire des gardes nationaux qui la mangent avec plaisir, bouillie, frite ou dans le rata. Le tubercule y gagne encore un peu plus de popularité. D’ailleurs, lors de la guerre, « le Parmentier » est un ballon utilisé pour le transport du courrier.

Une statue est érigée en l’honneur de Antoine Parmentier, dans la cour de la faculté de pharmacie à Paris (6ème arrondissement).


ET SA DEESSE, ALORS ?

Axomama est, dans la mythologie des Incas, la déesse de la pomme de terre. Son nom signifie littéralement « mère de la pomme de terre ». Elle est la fille de Pachamama, déesse de la terre (ou du monde), tandis que d'autres déesses président aux récoltes des cultures traditionnelles des Incas.

On a retrouvé des représentations personnifiées d'Axomama, sous forme de vases de cérémonie en terre cuite provenant de la culture Moche datant du début de notre ère.


Maintenant, quand vous mangerez des patates, vous aurez une petite pensée pour Axomama….. Mais au fait, d’où vient le mot « patate » pour désigner les pommes de terre ? D’Espagne, où elle prend le nom de patata


N’hésitez pas à aller voir ce très joli tableau au Musée d’Orsay, avec une visite guidée

Ainsi que la statue de Antoine Parmentier, en profitant d’une visite guidée de Paris ou sa tombe au Père Lachaise


Je ne peux que vous conseiller la lecture de Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates de Mary Ann Shaffer, gros succès de librairie, excellent roman, savoureux et délicieux comme... une tourte aux épluchures de pommes de terre (nous sommes pendant la 2ème guerre mondiale)


Bon appétit !


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