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Trix, MnHN
Le
22 June 2018,
L'événement est unique: un T Rex femelle rend visite au
Museum d'histoire naturelle de Paris jusqu'au 2 septembre 2018. Vieux de 67
millions d'années, le squelette fossilisé est quasiment intact. Et quand le
visiteur tombe nez-à-nez avec l'animal de 125 m de long, en position d'attaque,
les globes oculaires au niveau de ses yeux, le frisson est garanti!
Découvert dans le Montana (quasiment tous les Tyrannosaurus
Rex ont été dénichés dans cet état américain) par une équipe de paléontologues
hollandais, il n'a été complètement
dégagé de la roche sous laquelle il était enseveli qu'au bout de 3 ans. Il ne
lui manquait que la patte arrière gauche, qui a été reconstituée grâce à un
scan 3D "en miroir" de la patte arrière droite. Trix (ainsi nommée en
hommage à la reine Beatrix de Hollande) est l'un des 3 spécimens les plus
complets et les moins déformés au monde… Avec ses 250 os (dont 54 dents…), on
imagine sans peine le casse-tête pour remonter la bête à chaque exposition (car
Trix le T Rex est en tournée mondiale). Il faut aussi, dans chaque nouveau lieu
d'accueil, mettre le dinosaure en valeur, et permettre aux visiteurs de
l'admirer sous toutes les coutures sans risquer de l'abîmer. C'est précisément
à cela que s'emploie Aude Pinguilly, scénographe au Museum, que nous avons eu
la chance de rencontrer!
Mes sorties culture: Aude, comment devient-on scénographe d'exposition?
Aude Pinguilly: J'ai étudié l'architecture intérieure, et j'ai fait beaucoup de stages dans différents musées! Je suis scénographe depuis un peu plus d'une dizaine d'années.
MSC: Pouvez-vous nous expliquer comment on "met en scène" un T Rex comme celui-ci?
AP: Il s'agit d'une exposition itinérante qui nous vient des Pays-Bas, il y avait donc déjà tout un projet précis, avec un podium et des panneaux explicatifs rétroéclairés, ainsi qu'un plan de montage. Les équipes hollandaises sont d'ailleurs venues pour monter le squelette sur la structure métallique prévue à cet effet – les os reposent dessus, il n'y a aucun trou, et la structure se fait complètement oublier. Ils n'ont mis que deux jours, c'était très impressionnant! Et ils ont invité le commissaire d'exposition Ronan Allain (paléontologue au Museum) et Hélène Bourget (restauratrice de fossiles spécialiste du crétacé supérieur du Museum) à les aider. Un moment très émouvant pour eux!
MSC: Mais il y a eu tout un travail d'adaptation aux lieux?
AP: Oui, en effet. Nous avions des plans de montage, mais il fallait adapter l'exposition aux lieux, et également lui ajouter toute une dimension de médiation scientifique, afin de l'intégrer au mieux dans les collections du Museum. Il s'agit vraiment d'instaurer un dialogue avec les riches collections du Museum: nous exposons par exemple un Edmontausaure, qui était la proie du T Rex, et qui fait partie des collections du Museum depuis 1910 mais n'avait jamais été exposé. Il a été restauré pour l'occasion.
MSC: Quelles sont les contraintes techniques d'une mise en place comme celle-ci?
AP: Nous n'avons eu que trois mois pour monter l'intégralité de l'exposition, les délais étaient particulièrement serrés. A la fin, les équipes techniques travaillaient non stop! Côté espace, les galeries du Museum sont très anciennes et ne sont pas très larges. Nous avons dû recréer un espace ad hoc dans une galerie de 100 m de long datant de 1840, bordée de fragiles vitrines en bois; nous les avons complètement cachées derrière des parois temporaires. Nous avons également déplacé les panneaux rétroéclairés qui, dans la version d'origine, se trouvaient au pied du podium sur lequel est posée Trix. Nous avions besoin de gagner de la place, nous les avons donc reportés sur les murs autour! Au-dessus du T Rex il y a un velum et toute une structure scénique, à 7 m de haut. Et nous avons fait le choix de laisser visibles, derrière le squelette, les deux statues de Cuvier et de Haüy qui se trouvent dans la galerie. Nous trouvions important de garder cette dimension historique, cet échange symbolique avec les scientifiques d'antan. Surtout que Cuvier a été le premier à décrire – sans le savoir – un squelette de dinosaure: il croyait que c'était un crocodile…
MSC: Il faut aussi songer à la circulation, à la lumière
AP: Oui, il faut respecter un espace d'1m40 minimum tout atour du podium, pour la circulation des visiteurs. Quant à la lumière, elle a été mise en place par Marie Wacronier, afin de faire ressortir au mieux le spécimen. Il y avait ce qu'on appelle un "plan de feu", fourni par les équipes hollandaises: c'est un document qui indique quel type de spots utiliser, où les situer, comment les diriger, quelle doit être la température des ampoules, les filtres, le résultat visé. Ici ce sont des spots Led qui ont été installés, pour obtenir une lumière froide. Nous avons tout le matériel en interne au Museum, il s'agissait de le mettre en place en respectant les instructions de départ et la configuration des lieux.
MSC: Le résultat est vraiment bluffant! Nous invitons tous les lecteurs du blog à se précipiter au Museum pour cet événement exceptionnel.
Propos recueillis par Sonia Zannad / Mes sorties culture
Mes sorties culture: Aude, comment devient-on scénographe d'exposition?
Aude Pinguilly: J'ai étudié l'architecture intérieure, et j'ai fait beaucoup de stages dans différents musées! Je suis scénographe depuis un peu plus d'une dizaine d'années.
MSC: Pouvez-vous nous expliquer comment on "met en scène" un T Rex comme celui-ci?
AP: Il s'agit d'une exposition itinérante qui nous vient des Pays-Bas, il y avait donc déjà tout un projet précis, avec un podium et des panneaux explicatifs rétroéclairés, ainsi qu'un plan de montage. Les équipes hollandaises sont d'ailleurs venues pour monter le squelette sur la structure métallique prévue à cet effet – les os reposent dessus, il n'y a aucun trou, et la structure se fait complètement oublier. Ils n'ont mis que deux jours, c'était très impressionnant! Et ils ont invité le commissaire d'exposition Ronan Allain (paléontologue au Museum) et Hélène Bourget (restauratrice de fossiles spécialiste du crétacé supérieur du Museum) à les aider. Un moment très émouvant pour eux!
MSC: Mais il y a eu tout un travail d'adaptation aux lieux?
AP: Oui, en effet. Nous avions des plans de montage, mais il fallait adapter l'exposition aux lieux, et également lui ajouter toute une dimension de médiation scientifique, afin de l'intégrer au mieux dans les collections du Museum. Il s'agit vraiment d'instaurer un dialogue avec les riches collections du Museum: nous exposons par exemple un Edmontausaure, qui était la proie du T Rex, et qui fait partie des collections du Museum depuis 1910 mais n'avait jamais été exposé. Il a été restauré pour l'occasion.
MSC: Quelles sont les contraintes techniques d'une mise en place comme celle-ci?
AP: Nous n'avons eu que trois mois pour monter l'intégralité de l'exposition, les délais étaient particulièrement serrés. A la fin, les équipes techniques travaillaient non stop! Côté espace, les galeries du Museum sont très anciennes et ne sont pas très larges. Nous avons dû recréer un espace ad hoc dans une galerie de 100 m de long datant de 1840, bordée de fragiles vitrines en bois; nous les avons complètement cachées derrière des parois temporaires. Nous avons également déplacé les panneaux rétroéclairés qui, dans la version d'origine, se trouvaient au pied du podium sur lequel est posée Trix. Nous avions besoin de gagner de la place, nous les avons donc reportés sur les murs autour! Au-dessus du T Rex il y a un velum et toute une structure scénique, à 7 m de haut. Et nous avons fait le choix de laisser visibles, derrière le squelette, les deux statues de Cuvier et de Haüy qui se trouvent dans la galerie. Nous trouvions important de garder cette dimension historique, cet échange symbolique avec les scientifiques d'antan. Surtout que Cuvier a été le premier à décrire – sans le savoir – un squelette de dinosaure: il croyait que c'était un crocodile…
MSC: Il faut aussi songer à la circulation, à la lumière
AP: Oui, il faut respecter un espace d'1m40 minimum tout atour du podium, pour la circulation des visiteurs. Quant à la lumière, elle a été mise en place par Marie Wacronier, afin de faire ressortir au mieux le spécimen. Il y avait ce qu'on appelle un "plan de feu", fourni par les équipes hollandaises: c'est un document qui indique quel type de spots utiliser, où les situer, comment les diriger, quelle doit être la température des ampoules, les filtres, le résultat visé. Ici ce sont des spots Led qui ont été installés, pour obtenir une lumière froide. Nous avons tout le matériel en interne au Museum, il s'agissait de le mettre en place en respectant les instructions de départ et la configuration des lieux.
MSC: Le résultat est vraiment bluffant! Nous invitons tous les lecteurs du blog à se précipiter au Museum pour cet événement exceptionnel.
Propos recueillis par Sonia Zannad / Mes sorties culture