Un peu d'épopée slave...
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Winston Churchill disait que "La Russie est un rébus enveloppé de mystère au sein d'une énigme."

Avant la révolution de 1917, l’abolition du servage...


Sous le régime des tsars, il y a deux classes de serfs :
 - Les serfs d'État et les serfs militaires
 - Les serfs privés, répartis entre serfs terriens (liés au sol qu'ils valorisent) et serfs domestiques (liés à leur maître).

Les maîtres, sous peine de déroger, ne s’occupent pas eux-mêmes de la gestion de leur domaine et la délègue à leurs serfs domestiques, mieux instruits que les autres serfs. Non impliqués dans leurs affaires, ils sont plongés dans une crise financière perpétuelle. La plupart des familles libres d'origine servile (Tchekhov, Oulianov, Repine etc.) provient de serfs domestiques.

La Révolution française proclame la liberté individuelle comme un droit humain fondamental. De nombreuses prises de position contre le servage sont prises par des intellectuels russes. De plus, dans les années 1840 et 1850, les révoltes paysannes se multiplient. Le tsar Nicolas Ier (1796-1855) est conscient que le servage doit être aboli et que les paysans doivent posséder leur terre.

En 1861, le tsar Alexandre II (1818-1881) lance une énorme réforme agraire, abolissant le servage, et attribuant des terres agricoles aux anciens serfs. Malgré tout, les dernières traces du servage subsistent jusqu'en 1895.

Les conséquences sont inattendues, comme un manque général de terres pour tous, l’appauvrissement des paysans, à qui les moins bonnes terres ont été distribuées, et des propriétaires terriens devant payer une main-d’œuvre gratuite auparavant. A part la liberté de mouvement, la vie des paysans reste inchangée. Ils se révoltent et des régiments de l'armée sont envoyés… Les anciens paysans devenant une classe ouvrière pauvre, en colère et déracinée – cela constitue un terrain fertile pour la propagande communiste, et les révolutions de 1905 et 1917.

L'abolition du servage a fait l'objet de multiples tableaux. Le peintre russe Sergueï Vinogradov (1869-1938) – voici son autoportrait – est connu pour ses représentations réalistes de simples ouvriers et fermiers. Sa palette est parsemée de combinaisons de couleurs vives, qui rendant les scènes représentées particulièrement vivantes. 

Grigori Miassoïedov
(1834-1911) – son portrait par Ilya Repine – fait partie des peintres les plus représentatifs du réalisme russe du 19e siècle. Le milieu paysan a sa préférence comme thème.

Alfons Mucha (1860-1939) – voici son autoportrait peint en 1907 – est un affichiste, illustrateur, graphiste, peintre tchèque. En 1894, sa rencontre avec Sarah Bernhardt lance sa carrière.
"L'Épopée des Slaves" est le titre d'une série de 20 tableaux, peints de 1910 à 1928, représentant l'histoire des Slaves. Le 19e tableau est "L'Abolition du servage en Russie" où il représente le moment même de l’annonce de l’abolition du servage en 1861 sur la place Rouge. Ce n’est pas un moment de liesse populaire qui est représenté, plutôt une évocation de la désolation du peuple russe. Le peuple ne semble pas vraiment faire attention à la lecture de l’oukase, évocateur de la suite des événements.

… après la révolution de 1917, la famine.

Dans le prolongement de la révolution russe d'octobre 1917, la Russie est victime d’une guerre civile (1917-1922) qui paralyse le pays, tue des millions de personnes et provoque maladies et famine généralisées. Les pays occidentaux sont appelés à l’aide.

La représentation par Mucha de la figure triste et épuisée de Mère Russie avec un enfant frêle dans ses bras s'inspire de l'iconographie chrétienne de la Vierge à l'Enfant, en particulier dans l'inclusion de faibles auréoles derrière. Cette affiche de 1922, qui sert d'appel aux dons pour les enfants russes affamés, est l'une des plus émouvantes de Mucha. Le message "La Russie doit se rétablir" est en latin, langue universelle, afin de montrer l’internationalisme de cet effort humanitaire.

Mucha connaît une triste fin. En 1938, il contracte une pneumonie. En 1939, les troupes allemandes entrent dans Prague. En tant que défenseur de l'identité slave et franc-maçon, il est rapidement arrêté par la Gestapo. Le 14 juillet 1939, il meurt des suites de sa pneumonie. L'Église catholique lui refusant une sépulture du fait de son appartenance à la franc-maçonnerie, son corps est jeté à la fosse commune... 


Les tableaux affichés sont : 
1 – Indigents près de l'église, 1899, par Sergueï Vinogradov, Musée-réserve national de Smolensk, Russie
2 – Lecture du Manifeste de 1861, 1873, par Grigori Miassoïedov, Galerie Tretiakov
3 – Russia Restituenda (La Russie doit se redresser), 1922, par Alfons Mucha, Fondation Mucha
4 – L'Abolition du servage en Russie, 1914, par Alfons Mucha, Musée d’Art, Prague, Tchéquie


L'hôtel de Caumont, à Aix-en-Provence, propose une exposition sur Alfons Mucha. À travers près de 120 œuvres, elle met en lumière toute la splendeur et l’évolution du style Mucha où mysticisme, symbolisme, identité slave et beauté se côtoient. N'hésitez pas à profiter de leurs visites guidées.


Pour découvrir Alfons Mucha l'écrivain, lisez Le Pater, première oeuvre du Mucha philosophe. Elle paraît à Paris en 1899 sous la forme d'un livre qui illustre la prière Notre père. Mucha y inscrit un message pour les générations futures. Il développe une pensée humaniste en décrivant la progression de l'humanité, de l'obscurité de l'ignorance vers les états supérieurs de la spiritualité et de la vérité.

Réédition d'un conte paru en 1894, avec les illustrations d'Alfons Mucha et Pierre Ruty, Mémoire d'un éléphant blanc est l'histoire d'un éléphant, mais pas n'importe lequel. Les anciens racontent que les éléphants ont écrit des sentences en grec et que l'un d'eux, même, a parlé. Rien d'invraisemblable à ce que l'éléphant blanc Iravata ait pu écrire ses mémoires. L'histoire de sa longue existence, à travers le royaume de Siam, l'Inde des maharajahs et des Anglais, est d'ailleurs pleine d'imprévus et des plus curieuses...


Bon Mucha !


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