Quand Duane Hanson sculptait le réel
Une rencontre au musée avec les oeuvres de Duane Hanson est toujours troublante : ses sculptures hyperréalistes de personnages humains grandeur nature, moulés directement sur les modèles, viennent ponctuer les salles de leur présence qui se mêle aux visiteurs. Vient toujours un moment de doute, plus ou moins long, où l'on se demande si ce sont de vraies personnes ; et si le gardien de la salle était lui aussi une sculpture ?

Et puis, le doute se dissipe quand le gardien et les visiteurs qui se tenaient immobiles se mettent en mouvement. On peut alors approcher les sculptures avec curiosité et timidité, pour mieux apprécier l'étrangeté et l'intensité de ces figures de résine dont les coiffures et les vêtements sont choisis avec précision pour une plus grande fidélité aux personnages.

Le sculpteur choisit de mettre en lumière toutes les strates de l'Amérique de son temps : cadres, étudiants, couples ordinaires, vieilles personnes, femme de ménage, peintre en bâtiment, touristes, sans-abris…  toute une galerie de l'American way of life qui dénonce autant l'hyperconsommation que les inégalités et les violences envers les minorités. Le simple fait d'offrir une représentation et une place dans les salles de musée à ces figures "ordinaires" leur confère un statut particulier, et nous invite à nous interroger sur les stéréotypes, les travers sociétaux, les jugements que nous portons sur autrui, le jeu des apparences et l'ultramoderne solitude, car chacun semble perdu dans ses pensées, irrémédiablement seul.

Hanson eut le courage, dans les années 1970, de se détacher de l'expressionnisme abstrait qui dominait le paysage artistique pour se consacrer à un art complètement à part, qui reste d'une grande modernité à l'heure où le numérique a tout envahi : on ne serait pas surpris de voir ces personnages un portable à la main, avec le même regard perdu…




Vous aussi, publiez vos propres articles
sur TartinesDeCulture !
Je m'inscris