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Villa Borghese
Le
14 September 2018,
Le mythe mis en scène par le Bernin dans cette
sculpture exposée à Rome, à la villa Borghese – une commande réalisée par l'artiste à l’âge
de... 24 ans, entre 1622 et 1625 - provient des Métamorphoses d’Ovide. Daphné
est une nymphe, fille du Dieu fleuve Pénée. Pour se venger d'Apollon, le dieu
de la musique et de la poésie, qui s'est moqué de lui, Éros (ou
Cupidon), dieu de l'amour décoche simultanément deux flèches, une en
or sur le dieu lui-même, qui le rend fou amoureux de la belle Daphné,
l'autre en plomb sur la nymphe, qui lui inspire le dégoût de l'amour. Alors qu'Apollon la
poursuit, celle-ci, épuisée, demande à son père, le dieu fleuve Pénée, de lui
venir en aide. Il métamorphose donc sa fille en laurier.
Dans la villa, la sculpture de trouve au centre d’une
pièce, et tous les visiteurs la contemplent en silence, admiratifs et
émerveillés. Ils tournent autour, admirent les détails. C’est que cette
sculpture baroque est unique en son genre : ici, le marbre semble prendre
vie, les matières et les corps se déploient en courbes ascendantes, comme si
toute l’œuvre nous attirait vers le ciel, vers le domaine des dieux, dans un
mouvement hélicoïdal qui commence avec les corps (Apollon n’est en équilibre
que sur une jambe), se poursuit avec la toge d’Apollon, et s’achève avec les
cheveux de la nymphe.
Cette sculpture est typique de l’art baroque: il n’est question ici que d’instabilité, de désordre, de confusion, de changement. C’est un contraste majeur avec l’art de la Renaissance qui magnifie les formes stables (pensez à la Pietà de Michel-Ange, qui forme un triangle fermement ancré dans le sol).
Le sculpteur fixe ici l’instant tragique de la transformation avec une expressivité inouïe. La délicatesse des détails est à peine croyable : les feuilles de laurier, les racines qui commencent à se former à la place des orteils de Daphné... Le marbre devient une matière sensible et vivante entre les mains du Bernin. Les expressions sont particulièrement travaillées, afin d'éveiller l'émotion de celui qui regarde la scène : Apollon commence à réaliser qu’il sera bientôt abandonné par la nymphe en cours de transformation. Il essaie encore de la toucher, de la retenir, mais il commence à se rendre à l’évidence et voit que son amour est entrain de se transformer en laurier, qu’il sera bientôt trop tard. C’est cette surprise que semble exprimer le mouvement de sa main droite, avec le poignet cassé et les doigts légèrement écartés. Quant à Daphné elle semble crier, mais on ne sait pas si c’est pour échapper à l’emprise du Dieu ou parce que la douleur de renoncer à son humanité l’étreint. Ovide termine son poème par les paroles d’Apollon, qui continuera d’aimer la nymphe même après sa transformation :
" Le dieu lui dit : « Eh bien, puisque tu ne peux être mon épouse,
au moins tu seras mon arbre ; toujours, tu serviras d'ornement,
ô laurier, à mes cheveux, à mes cithares, à mes carquois. "
Désormais, vous verrez les couronnes de laurier d'un autre oeil...
Sonia Zannad / Mes sorties culture
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Cette sculpture est typique de l’art baroque: il n’est question ici que d’instabilité, de désordre, de confusion, de changement. C’est un contraste majeur avec l’art de la Renaissance qui magnifie les formes stables (pensez à la Pietà de Michel-Ange, qui forme un triangle fermement ancré dans le sol).
Le sculpteur fixe ici l’instant tragique de la transformation avec une expressivité inouïe. La délicatesse des détails est à peine croyable : les feuilles de laurier, les racines qui commencent à se former à la place des orteils de Daphné... Le marbre devient une matière sensible et vivante entre les mains du Bernin. Les expressions sont particulièrement travaillées, afin d'éveiller l'émotion de celui qui regarde la scène : Apollon commence à réaliser qu’il sera bientôt abandonné par la nymphe en cours de transformation. Il essaie encore de la toucher, de la retenir, mais il commence à se rendre à l’évidence et voit que son amour est entrain de se transformer en laurier, qu’il sera bientôt trop tard. C’est cette surprise que semble exprimer le mouvement de sa main droite, avec le poignet cassé et les doigts légèrement écartés. Quant à Daphné elle semble crier, mais on ne sait pas si c’est pour échapper à l’emprise du Dieu ou parce que la douleur de renoncer à son humanité l’étreint. Ovide termine son poème par les paroles d’Apollon, qui continuera d’aimer la nymphe même après sa transformation :
" Le dieu lui dit : « Eh bien, puisque tu ne peux être mon épouse,
au moins tu seras mon arbre ; toujours, tu serviras d'ornement,
ô laurier, à mes cheveux, à mes cithares, à mes carquois. "
Désormais, vous verrez les couronnes de laurier d'un autre oeil...
Sonia Zannad / Mes sorties culture
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