Picasso, pourquoi le bleu, pourquoi le rose
Credits image :
Je suis né en 1881. Mes parents ont voulu rendre hommage à leurs amis et c’est pourquoi je m’appelle Pablo Diego José Francisco de Paula Juan Nepomuceno María de los Remedios Cipriano de la Santísima Trinidad Mártir Patricio Ruiz y Picasso. Mais ici, tout le monde m’appelle Picasso.

Picasso, c’est le nom de ma mère. C’est un nom italien, un de mes arrière-grands-pères étant né dans la région de Gênes.  

Homme à femmes, je suis présenté comme l’un des plus grands artistes du 20e siècle. On me dit que j’ai vécu plusieurs vies : une bleue, une rose, une africaine, une cubique, une surréaliste, une communiste… 

Je gribouille partout, partout, même sur les nappes de restaurant, je ne cesse de peindre, tout est sujet à faire des petits objets, des sculptures. De là où je me trouve à ce jour, je vous regarde vous déchirer pour mes gribouillis qui, maintenant, valent de l’or…  


Dès le début j’ai de la chance : encouragé par mon père qui m’accorde sa confiance, je peins mes premiers tableaux très jeune, mon préféré étant "Le Petit Picador jaune" dont je refuse toujours de me séparer. A 15 ans j’entre à l’école des Beaux-Arts de Barcelone… C’est à Barcelone que je rencontre mon grand ami Carlos Casagemas.  


Pourquoi ma vie bleue ?  

En 1900, nous partons à Paris et installons notre atelier sur la butte Montmartre. Je rencontre Louise et Carlos tombe amoureux fou de Germaine. Elle se laisse facilement séduire, mais la belle est volage, brisant le cœur de mon ami, qui sombre peu à peu dans l’alcool et la dépression. Février 1901, Casagemas convie quelques amis, dont Germaine, au restaurant. Durant le dîner, il se lève et prononce un discours, sort un pistolet et vise Germaine. Puis Carlos retourne l’arme contre sa tempe et tire. Il meurt sur le coup.  

Hanté par ce drame, je peins La Mort de Casagemas, où l’on reconnaît la flamme d’une bougie en forme de vulve et l’impact de balle sur la tempe.  

Dès lors, je commence ma vie bleue, empreinte de douleur et de tristesse. Les thèmes mélancoliques de la mort, de la vieillesse, de la pauvreté me poursuivent. Le bleu est associé au rêve et à l’inconscient par les artistes surréalistes au 20e siècle. Paul Éluard ne dit-il pas que "La terre est bleue comme une orange".  

En 1903, je peins "La Vie". A l’origine, cette peinture, devenue célèbre, devait être un autoportrait, mais je remplace mon visage par celui de Casagemas et je donne le visage de Germaine à la jeune fille près de lui.  

En 1904, je peins "La Celestina", célèbre tableau qui représente Carlotta Valdivia, tenancière d’une maison close de Barcelone. Il renvoie au personnage né de la plume de Fernando de Rojas où Célestine est une vieille entremetteuse borgne, une femme mauvaise, cruelle. Avec son œil sain, elle observe tandis que de son œil aveugle, elle semble lancer de mauvais sorts.  


Pourquoi ma vie rose ?  

L’amour… En 1904, je rencontre ma première compagne, Fernande Olivier, avec qui je suis resté jusqu’en 1909. Elle me sert de modèle pour des bustes féminins réalisés entre 1907 et 1909, et pour... l'une des "Demoiselles d'Avignon".  

C’est l’utilisation des teintes rosées dominantes qui explique cette dénomination. Dominé par l’amour, mais tout en restant mélancolique, je peins des masques, des arlequins, des dompteurs et des clowns et… des maternités roses. "Le Garçon à la pipe", peint à cette époque, est l’un de mes tableaux parmi les plus chers vendus, plus de 100 millions de dollars…  


Et mes autres vies ?  

Des périodes de vaches maigres, où j'ai brûlé des œuvres pour me chauffer et où j'ai fait des dessins pour payer un repas de restaurant.
En 1911, j’ai été interrogé par la police au sujet du vol de "La Joconde" après que Guillaume Apollinaire m'en ait accusé ! 
J’ai produit près de 50,000 œuvres au cours de ma vie : tableaux, sculptures, céramiques, dessins, estampes, tapisseries, gravures, etc. Ma vie est bien trop longue et touffue pour vous la déballer entièrement. Vous vous endormiriez avant la fin du conte…

Et au final ?

Carlos Casagemas est enterré au cimetière parisien de Saint-Ouen. Je suis mort à l’âge de 91 ans et je repose dans le parc du château de Vauvenargues. Et la trop belle Germaine ? Oubliée du reste du monde. On est bien peu de chose, ma foi.


De multiples musées et expositions possèdent de mes tableaux, ou ont comme thème ma peinture. N'hésitez pas à suivre une visite guidée !


Si vous voulez voir "La Celestina", alors cliquez ici, vous ne serez pas déçu...
Au sujet du lien complexe entre moi et la prostitution, ou alors de ma période dite "art nègre", je vous laisse apprécier.


Certains ont dessiné des BD sur ma vie, ce qui est un honneur pour un peintre :
 - La vida, La bohême de Picasso et Casagemas, de Tyto Alba, sur l'amitié entre Pablo Ruiz Picasso et Carles Casagemas :
 - La vie cachée de Pablo Picasso enfin en intégrale ! Picasso comme vous ne l’avez jamais vu, qui s'appelle tout simplement Pablo  

J’ai eu droit à plusieurs biographies, mais je vous conseille celle de Sophie Chauveau, qui s’appelle Picasso  

Le grand Clouzot s’est même fendu d’un film, Le mystère Picasso, où il tente de déchiffrer la conception d’une œuvre en me filmant    


Je ne peux que vous laisser avec le magnifique poème de Paul Eluard :  

La terre est bleue comme une orange (L'amour la poésie, 1929)

La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s'entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d'alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d'indulgence
À la croire toute nue.  

Les guêpes fleurissent vert
L'aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.  


J'espère que je ne vous laisse pas avec des bleus à l'âme ! Bon Picasso !


Vous aussi, publiez vos propres articles
sur TartinesDeCulture !
Je m'inscris